armes de la famille (!?) GUILLAUME COUSTURE
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Le nom «Couture» trouve son origine dans la France médiévale. En effet, en ancien français, une «costure» était un champ labouré, une terre cultivée et ensemencée. Chrétien de Troyes mentionne ce mot dans son récit intitulé «Perceval» qui date de 1170. De la même façon, un «couturier» était un cultivateur.

Le pionnier

Toute la famille Couture d'Amérique est issue du même ancêtre, le légendaire Guillaume Cousture, arrivé en Nouvelle-France vers 1640. Il était originaire de la paroisse Saint-Godard-de-Rouen, en Normandie. On peut supposer qu'il fut recruté par le père René Goupil alors qu'il était en Normandie, car le jeune Guillaume prononça des voeux en tant que «donné», offrant ainsi ses services aux Jésuites en échange d'un hébergement et de nourriture.

Goupil s'embarqua pour la Nouvelle-France au printemps de 1640. Cousture y était très probablement déjà depuis 1637-38 (l'historien Marcel Trudel atteste avoir vu le testament de Cousture qui fut signé de sa main en 1638). C'est le début d'une vie aventureuse pour ce jeune homme qui frôlera plusieurs fois la mort. Dès 1641, Cousture a appris plusieurs langues indiennes ce qui le rend un atout indispensable pour la jeune colonie. De plus, ses talents de charpentier sont très appréciés. Il construit une chapelle dans une mission nommée «Sainte-Marie», près de la baie Georgienne.

Le 26 juin 1641, Guillaume Cousture lègue à sa mère et à sa soeur les quelques terres qu'il a héritées de son père en France. On devine que le jeune Cousture, alors dans la vingtaine, a décidé que son destin serait désormais en Amérique.

Le martyr

Guillaume Cousture effectue son premier grand voyage en 1641. Il est chargé de faire parvenir certains items aux missionnaires de la Huronie, et au retour d'escorter des chefs Hurons jusqu'à Québec. Mission, accomplie, il est de retour au printemps de 1642 accompagné du père Isaac Jogues et de plusieurs chefs Hurons dont le fameux Ahatsistari. En tout, ils étaient 25 voyageurs répartis dans 4 canots.

Seulement 15 jours plus tard, soit le 15 août 1642, Cousture quitte Trois-Rivières pour une nouvelle expédition vers la Huronie, en compagnie de quelques Français dont les pères Isaac Jogues et René Goupil et de 19 Indiens hurons répartis dans 12 canots. Le voyage est important car les chefs hurons viennent de conclure une alliance avec la France contre leurs ennemis iroquois. Or, ce que les Français ignorent, c'est que leur départ n'échappe pas aux sentinelles iroquoises qui préparèrent dès lors leur guet-apens. Le premier soir du voyage, aux environs du lac Saint-Pierre, la petite troupe décide de s'arrêter pour passer la nuit. Le lendemain à l'aube, alors qu'ils s'apprêtaient à repartir, des éclaireurs découvrent des traces de pas sur la rive. Ils décident de poursuivre le voyage quand même, et moins d'une demi-heure plus tard, l'expédition est attaquée par un groupe d'environ 80 Iroquois. Il y a combat, Cousture atteint mortellement l'un des chefs avec son arquebuse, mais la bataille est quand même perdue. Il réussit à échapper aux agresseurs et se sauve. Mais, réalisant que les Jésuites avaient été capturés, Cousture retourne sur les lieux de l'embuscade et est capturé à son tour.

En guise de représailles, les Iroquois s'en prennent aux Français et aux Hurons et les torturent. Le père Jogues raconte les sévices que subit alors Cousture. Voici une adaptation en français moderne:
Statue de Cousture


«Cousture, qui dans le combat avait tué un de leurs chefs, fut exposé à toute leur fureur. Ils le déshabillèrent et le meurtrirent à coups de bâtons. Ils lui arrachèrent les ongles, lui broyèrent les doigts avec leurs dents et lui passèrent une épée à travers la main. Un sauvage lui enleva la moitié de l'index droit. La douleur fut d'autant plus grande que le sauvage se servit, non d'un couteau, mais d'un morceau de coquillage. Comme il ne pouvait couper le nerf trop dur et trop glissant, il le tordit et lui arracha en tirant avec une telle violence que le nerf surgit hors du bras de la longueur d'une palme. Le bras enfla prodigieusement jusqu'au coude.»

Le prisonnier

Puis, selon la coutume iroquoise, Cousture fut envoyé dans un autre village et donné à la famille de l'homme qu'il avait tué pour que celle-ci en dispose à sa guise. Il fut témoin de l'horrible supplice du chef Ahatsistari (récit qu'il raconta par la suite au père Jogues). Mais son heure n'avait pas encore sonnée, car il fut ensuite adopté par une veuve de la tribu qui guérit ses plaies infectées et veilla à sa guérison. Il confia plus tard à Jogues que, malgré les nombreuses avances qui lui furent faites, il était demeuré fidèle à ses voeux de donné.

Les deux Jésuites subissent d'autres tortures atroces. Le 29 septembre, Goupil est lâchement assassiné d'un coup de hache après avoir fait le signe de la croix sur la tête d'un enfant iroquois. Jogues réussit à s'enfuir en novembre 1643 avec la complicité des Hollandais. Cousture aurait pu profiter de l'occasion pour s'évader également, mais ne voulant pas compromettre l'évasion de son ami Jogues, il choisit plutôt d'attendre une prochaine chance.

Au conseil de bande

Cousture partage et étudie la vie et les moeurs des Iroquois. Il apprend la langue et les coutumes de ces gens et devient un membre si apprécié qu'il siéga bientôt au conseil de bande. Il devient ainsi le premier Français à gagner la confiance et l'estime des Iroquois.

L'ambassadeur

En juillet 1645, le valeureux Normand accompagna le chef Kiotseaeton et sa suite à Trois-Rivières sur l'invitation du gouverneur Huault de Montmagny. On hésita à reconnaître Cousture qui était vêtu à l'iroquoise comme ses compagnons et qu'on croyait mort, mais «Si-tost qu'il fut reconnu, chacun se jetta à son col, on le regardait comme un homme ressuscité.» (Extrait des Relations des Jésuites).

La rencontre fut un grand succès et la paix fut signée entre la tribu Mohawk et les Français, en grande partie grâce à Cousture qui avait convaincu les Iroquois des intentions amicales de ses compatriotes. Cousture réalisa qu'il était dans une excellente position pour négocier une paix permanente entre Iroquois, Français et Hurons. Il décida donc de retourner avec les ambassadeurs iroquois pour les encourager à la paix.

Isaac Jogues À son retour en 1646, Cousture demanda à être relevé de ses voeux, possiblement pour marier une Iroquoise (bien qu'aucun document ne le prouve). Cousture continua à négocier la paix à Trois-Rivières et Québec avec les différentes nations amérindiennes. Il était sur le point de réussir lorsque, le 18 octobre 1646, les pères Jogues et Lalande qui étaient repartis en émissaires chez les Iroquois, furent massacrés. Les négociations furent brutalement arrêtées. Les Algonquins et les Hurons en furent secrètement satisfaits puisqu'ils désiraient avoir le monopole des échanges commerciaux avec la France.


Sans se laisser décourager, Cousture repartit pour la Huronie en 1647 pour renouer les alliances. Son entreprise s'avéra un échec, mais lors de son retour, il fut accueillit en héros par les populations de Trois-Rivières et de Sillery. Le père Jacques Buteux le surnomma «le valeureux Cousture». En cette même année de 1647, Cousture s'établit à la Pointe-Lévy sur la seigneurie de Lauzon. Il devient ainsi le premier colon de Lévis, où veille aujourd'hui sa statue (sur la rue Saint-Joseph). Le 18 novembre 1649, il épousa Anne Aymard, originaire du Poitou. La cérémonie eut lieu dans la maison de Cousture qu'il avait construit lui-même. Ce mariage donnera rien de moins que dix enfants.

L'explorateur

Bien que Cousture désirait mener un existence pacifique et s'occuper de sa terre, les autorités de la colonie firent souvent appel à lui car son expérience parmi les Amérindiens était inégalée. En 1657, il servit d'interprète auprès de la nation des Onondagas. En 1661, il se joignit à une expédition qui avait pour but de découvrir l'emplacement de la mer du nord mais les Français furent abandonnés par leurs guides indiens. Deux ans plus tard, le gouverneur Dubois Davaugour le nomma commandant d'une nouvelle expédition vers le nord. Le voyage était important, deux Français (Pierre Duquet et Jean Langlois) ainsi qu'un grand nombre d'Indiens quittèrent Québec à la mi-mai avec 44 canots. Ils remontèrent la rivière Saguenay et atteignirent le lac Mistassini le 26 juin. Une tempête soudaine et imprévue fit tomber un pied de neige. Le groupe poursuivit son exploration et arriva à une rivière «qui se jette dans la mer du nord» (la rivière Rupert). Les guides indiens refusèrent d'aller plus loin et l'expédition reprit la route du sud. Mais Cousture établit des contacts avec les peuples amérindiens du nord qu'il trouva beaucoup plus pacifique que les Iroquois et les Hurons du sud. Un lac du Grand Nord québécois porte aujourd'hui son nom.

Cousture fut propriétaire d'un lot situé dans la Basse-ville de Québec de 1658 à 1668. On ignore s'il y vécut, mais on sait qu'il entreprit d'y construire une maison en 1667 qu'il vendit en 1668. Elle est située au 53, rue Sous-le-Fort (lot 2285).

En 1666, Cousture est envoyé en Nouvelle-Hollande par le gouverneur pour protester contre le meurtre de deux officiers français. Il se présenta dans le village iroquois et ordonna qu'on lui remette les assassins sans quoi la France organiserait une expédition punitive. Le 6 septembre, il était de retour à Québec avec les deux Mohawks responsables. Cette expédition sera sa dernière.

Le capitaine

Vers 1666, il fut nommé capitaine de milice de la côte de Lauzon. Le recensement de 1667 nous apprend qu'il cultivait 20 acres de terre et possédait 6 têtes de bétail. Cousture fut nommé au poste très prestigieux de juge sénéchal. Il semble qu'il ait également servi de notaire. En 1675, il demanda qu'un prêtre soit assigné en permanence dans la seigneurie, voeux qui ne fut réalisé qu'en 1690. On voit bien que Cousture fut pendant cette période une des figures centrales de la seigneurie de Lauzon. Pourtant, lors du recensement de 1681, il se déclara humblement «charpentier».

En 1690 lors du siège de Québec, on raconte que le capitaine Guillaume Cousture (alors âgé d'environ 73 ans) et ses hommes auraient empêché le débarquement des troupes de Phipps à la côte de Lauzon. À plusieurs occasions, il fut invité à siéger au Conseil souverain lors de l'absence de membres réguliers. Le valeureux Cousture rendit l'âme le 4 avril 1701. L'endroit où ce héros de la Nouvelle-France fut enterré demeure un mystère.

Signature originale de Cousture
L'ancêtre

Guillaume Cousture est l'ancêtre de tous les Couture d'Amérique. Mais tous ses descendants ne portent pas nécessairement son nom. Des six fils de Guillaume, un seul conservera le nom de famille original (dont le "s" est aujourd'hui disparu), et il s'appelle lui aussi Guillaume. Jean-Baptiste, l'aîné, deviendra l'ancêtre de la famille Lamonde. Charles prend le nom de Lafrenaye, Eustache prend celui de Bellerive et Joseph-Odger celui de La Cressonnière (j'ai toutefois appris que certains de ses descendants se nomment toujours Couture). Les filles épouseront également et deviennent ainsi les ancêtres des familles Côté, Couillard, Marsolet et Bourget. Certains descendants qui vivent maintenant aux États-Unis écrivent maintenant leur nom "Cutcher".

La statue de Guillaume est située à Lévis, sur la rive sud du Saint-Laurent, en face de Québec.

Quel est l'emplacement exact?

Une certaine controverse entoure l'identification du lieu exact du village iroquois qui fut le théâtre de la torture de Cousture et de la mort de René Goupil. Jean Quintal, qui a recherché le sujet, écrit ceci:

Les Jésuites américains maintiennent que René Goupil est mort sur leur Shrine grounds à côté de leur Coliseum ou Shrine of our Lady of Martyrs of North America, le Sanctuaire de Notre-Dame des Martyrs, situé à 2 km plus à l'est de la ville d'Auriesville, NY. Ils appuient leurs dires sur les trouvailles d'un général américain d'origine seneca, le Général Clark, ayant vécu en 1881 et ayant basé ses trouvailles seulement sur des ressemblances topographiques, des traductions anglaises des Relations des Jésuites (car il ne parlait pas le français) et des anciennes cartes françaises remontant au temps du Régiment de Carignan-Salières de 1665-66. DONC, disent ces Pères jésuites américains: «René Goupil est mort tout près de notre Coliseum sur nos Shrine grounds» à OSSERNENON-AURIESVILLE, à 2 km à l'EST d'Auriesville, NY. Un tel raisonnement est très valable pour l'année 1881.

Depuis 1881, plusieurs experts anthropologues spécialisés et sérieux ont fait des recherches archéologiques sur le terrain dans la Vallée Mohawk avec des équipes bien outillées à leur disposition. En 1985, Donald A. Rumrill, l'un de ces chercheurs, a démontré que le village iroquois où René Goupil, Guillaume Cousture et Isaac Jogues furent amenés était bien Ossernenon et qu'il l'avait retrouvé au site archéologique appelé BAUDER, plus de 10 km à l'OUEST d'Auriesville, NY. En 1995, Dean Snow, un autre de ces chercheurs, a démontré que ce site BAUDER peut aussi s'identifier au village iroquois que Jogues avait appelé Osserrïon (en 1646). C'est pourquoi il faudrait distinguer entre l'OSSERNENON-AURIESVILLE de 1881 des Jésuites américains, situé à 2 km à l'EST d'Auriesville NY d'une part, et l'OSSERNENON-OSSERRÏON de 1985-1995 des anthropologues, situé à plus de 10 km à l'OUEST d'Auriesville NY d'autre part.




Sources:

LAVERDIÈRE, abbé, CASGRAIN, abbé, JOURNAL DES JÉSUITES publié d'après le manuscrit original conservé aux archives du Séminaire de Québec, Éditions François-Xavier, Montréal, 1973.

RELATIONS DES JÉSUITES TOME 3: 1642-1646, Éditions Du Jour, Montréal, 1972.

PLACE-ROYALE: Les familles-souches, Publications du Québec.

La revue Nos Racines, parue dans les années 80.

Les Archives Nationales du Québec.

LEBEL, Gérard, NOS ANCÊTRES - Biographies d'ancêtres, Sainte-Anne-de-Beaupré, 1981.

GREIMAS, A.J., DICTIONNAIRE DE L'ANCIEN FRANÇAIS, Paris, 1992.

LA TERREUR, Marc (éditeur), DICTIONARY OF CANADIAN BIOGRAPHY, University of Toronto Press et Les Presses de l'Université Laval, Toronto-Québec, 1972.

Ainsi que de longues recherches entreprises par moi-même et mon père, Denis Couture.






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