LOUIS DE BUADE, COMTE DE FRONTENAC


Louis de Buade, comte de Frontenac et de Palluau, est une des figures les plus turbulentes et les plus importantes de l'histoire de la Nouvelle-France. Il est aujourd'hui surtout connu comme étant le défenseur de la colonie contre les Iroquois et les Anglais et comme l'architecte de son expansion. Le célèbre et élégant château qui domine la vieille ville de Québec porte aujourd'hui son nom. Voici les grands événements dans la vie de ce gouverneur légendaire.

Les Buade étaient une vieille famille du Périgord qui appartenait à la noblesse d'épée et qui avait beaucoup d'influence à la cours de France. Le fief duquel ils tenaient le nom de «Frontenac» était situé en Guyenne. Le jeune Louis naquit le 22 mai 1622 avec comme parrain nul autre que le roi de France lui-même, Louis XIII. On sait peu de choses sur sa jeunesse, à part qu'il devint soldat très jeune et qu'il monta en grade très rapidement. Pendant qu'il n'était pas en service, Frontenac résidait à la cours du roi. Il menait une vie très extravagante et accumula une quantité considérable de dettes. En 1648, il maria secrètement Anne de La Grange, malgré l'interdiction du père de celle-ci. Elle fut d'ailleurs complètement déshéritée par son père à cause de cela. Le seul fils du couple, François-Louis, naquit en 1651.

Dans les années suivantes, Frontenac poursuivit sa carrière militaire et continua d'accumuler ses dettes. Il acquit également une très mauvaise réputation pendant cette période. On le décrit comme un homme prétentieux, vaniteux, querelleur et vantard. Au printemps de 1672, Frontenac fut nommé gouverneur-général de la Nouvelle-France. Bien que cette charge offrait un salaire bien plus bas que celui auquel il était habitué, elle conférait l'avantage d'empêcher ses débiteurs de saisir ses biens et propriétés (ce qui était pour lui très avantageux, compte tenu de l'état catastrophique de ses finances).

Premier mandat

Frontenac quitta La Rochelle le 28 juin 1672 en direction de Québec. La charge de gouverneur-général faisait de Frontenac l'homme en charge de toutes les armées et lui donnait un droit de veto sur les décisions des autres officiels. Mais très tôt après son arrivée, il se retrouva en conflit avec le Conseil Souverain, le gouverneur de Montréal et plusieurs des familles importantes de la colonie. Malgré l'opposition de ces derniers et sans l'autorisation du roi, Frontenac décida d'établir des forts français plus à l'ouest dans le but d'établir des relations commerciales avec les Amérindiens de ces régions. Il fit construire un poste de traite sur les rives du lac Ontario; le Fort Frontenac (aujourd'hui Kingston en Ontario).

Le gouverneur de Montréal, François-Marie Perrot, se déclara ouvertement opposé au projet. Frontenac le fit arrêter. L'affaire se retrouva devant le roi qui réprimanda Frontenac. Colbert nomma un nouvel intendant, Jacques Duchesneau, qui fut également nommé président du Conseil Souverain. Les pouvoirs de Frontenac furent dès lors strictement limités aux affaires militaires. Mais les conflits ne cessèrent pas pour autant. Il se mit également le clergé et les Jésuites à dos avant d'être rappelé en France en 1682.

On lui reprocha son expansionnisme qui avait causé une nouvelle vague d'attaques iroquoises sur les avant-postes français. À son départ, la colonie se retrouva en bien mauvaise position, presque sans défense et en grand danger. Le début d'une nouvelle guerre entre la France et l'Angleterre n'améliora pas les choses. Le 4 août 1689, les Iroquois attaquèrent Lachine, massacrèrent un grand nombre d'habitants sans défense et détruisirent plusieurs fermes.

De retour en France, Frontenac tenta de convaincre Louis XIV de lui donner une nouvelle chance. Ses créanciers avaient saisi la plupart de ses propriétés et il se retrouva en bien mauvaise posture. En 1688, on commença à mettre sur pied un plan d'attaque de New York, ce qui empêcherait ainsi les Anglais de fournir les Iroquois en armes et mettrait fin aux attaques de ceux-ci. Dès que l'Angleterre déclara la guerre à la France, le roi accepta le projet et Frontenac fut nommé commandant de l'expédition et à nouveau gouverneur de la Nouvelle-France. À cause de plusieurs délais, Frontenac n'arriva à Québec qu'en octobre 1689 et l'attaque fut abandonnée, faute de temps.
Louis XIV, roi de France

Second mandat

Les attaques des Iroquois continuèrent donc en toute impunité. Les Anglais armaient les Iroquois et les encourageaient à harceler la Nouvelle-France par tous les moyens. Le moral des habitants était à son plus bas et Frontenac décida enfin de riposter. En janvier 1690, il envoya trois groupes pour attaquer les frontières de la Nouvelle-Angleterre. Les trois objectifs étaient les établissements de Schenectady dans l'état de New York, Salmon Falls dans le Maine et Fort Loyal dans la baie de Casco. Les attaques furent un franc succès.

La riposte anglaise

Phips Bien que ces raids firent des merveilles pour le moral des habitants canadiens, ils répandirent la panique dans les colonies anglaises. Celles-ci s'unirent pour mettre sur pied un projet d'attaque de la Nouvelle-France. Ils montèrent deux expéditions. La première devait réunir miliciens de New York et du Maryland ainsi que des guerriers iroquois et avait pour objectif Montréal. La seconde devait quitter Boston et attaquer Québec par la mer. Sir William Phips fut nommé à la tête de la flotte anglaise. Mais l'attaque de Montréal dut être annulée et grâce à ce manque d'organisation des Anglais, Frontenac put concentrer ses forces à Québec.

Phips dirigea aussitôt ses hommes contre l'Acadie. Il atteignit Port-Royal le 22 mai 1690 et s'en empara facilement. Le 9 juin, il rentra à Boston avec un important butin. Le 19 août de la même année, avec une flotte d'une trentaine de bateaux dont quatre gros vaisseaux et plus de 2000 hommes, Phips fit voile vers Québec. Ce n'est qu'après plusieurs retards qu'il se présenta, le 16 octobre, devant Québec. Au messager de Phips venu sommer Frontenac de rendre la ville, celui-ci répondit par ces mots devenus célèbres : «Je nay point de réponse à faire a vostre général que par la bouche de mes canons et à coups de fuzil!»
Le siège de Québec débuta donc le 18 octobre. Les Anglais débarquent à Beauport mais toutes les forces de la colonie les attendaient. Après trois jours de résistance aux attaques constantes des miliciens canadiens et à la température qui devenait glaciale, Phips se résigna à rentrer à Boston. Québec était sauvée!

Les Anglais ne montèrent pas d'autres attaques contre la Nouvelle-France et se contentèrent de fournir les Iroquois en armes afin que ceux-ci fassent le boulot à leur place. Frontenac, n'ayant pas suffisamment de troupes pour envahir la Nouvelle-Angleterre, organisa plusieurs raids contre ses ennemis. Les miliciens canadiens devinrent bientôt aussi efficaces que leurs alliés amérindiens à cette forme d'attaque sournoise et furtive qu'on vint à surnommer la «petite guerre».
Le gouverneur Frontenac
Frontenac continua à encourager l'établissement de nouveaux postes de traite à l'ouest. Des établissement furent bâtis à l'ouest du Mississippi et autour du lac Winnipeg, permettant ainsi aux coureurs des bois d'échanger avec les Sioux et les Amérindiens des plaines. Puis, après neuf ans de guerre, les Iroquois se retrouvèrent avec des forces considérablement réduites. Les Canadiens étaient devenus des guerriers aussi efficaces qu'eux et les guerriers iroquois étaient souvent interceptés par ceux-ci avant même d'atteindre la colonie. Les habitants pouvaient à nouveau dormir tranquilles. En février 1689, des délégués d'Albany vinrent informer Frontenac que la paix entre la France et l'Angleterre avait été signée. La guerre était enfin finie et Frontenac avait réussi avec succès à protéger la Nouvelle-France des attaques ennemies.

La paix revenue, le vieux gouverneur continua son travail, ses projets d'expansion de la Nouvelle-France maintenant entérinés par Paris. Mais il se retrouva à nouveau en conflit avec les autres autorités de la colonie et tout semblait indiquer qu'il serait de nouveau rappelé en France. Toutefois, avant que Paris ait le temps d'agir, Frontenac tomba malade à l'automne de 1698. Loin de s'améliorer, sa santé ne cessait d'empirer et à la mi-novembre, il vint à la conclusion que ses heures étaient comptées. Il fit la paix avec ses deux adversaires politiques, l'intendant et l'évêque, avant de rendre l'âme le 28 novembre. Il fut enterré dans l'église des Récollets de Québec. Frontenac laissa derrière lui une Nouvelle-France très agrandie et une grande victoire sur les Anglais qui ne serait pas sur le point d'être oubliée!

La médaille de la victoire

La victoire de Frontenac fut célébrée avec éclat en Nouvelle-France ainsi qu'en France où elle fut commémorée par une médaille. L'avers de la médaille montre Louis XIV, de profil, et porte l'inscription latine «Ludovicus magnus rex christianus» (Louis, le grand roi chrétien). Le revers représente un personnage allégorique foulant à ses pieds le drapeau anglais. À sa gauche, on voit un castor, tandis qu'à sa droite une autre figure symbolique appuyée sur une urne représente le fleuve Saint-Laurent. En exergue, on peut lire : «Francia in novo orbe victrix» (la France victorieuse au Nouveau-Monde) et au bas, «Kebeca Liberata MDCXC». Médaille de la victoire

Cette même médaille sera frappée à nouveau en 1967 et remise à la population du Québec par le général Charles de Gaulle, président de la République française, lors de sa visite historique à l'Exposition universelle de Montréal.


Les informations sur la médaille de la victoire proviennent du site dédié à l'excavation archéologique d'un des navires de l'amiral Phips, dans le fleuve Saint-Laurent. Vous trouverez ce site parmi mes liens.


Pierre Le Moyne d'Iberville

L'intendant Jean Talon

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