PORTRAIT JEAN TALON



Jean Talon, fils de Philippe Talon et Anne de Bury, est né à Châlons-sur-Marnes, en Champagne, où il fut baptisé le 8 janvier 1626. Talon fit ses études à Paris, avec les Jésuites du Collège Clermont. Vers l'âge de 28 ans, il joignit les services administratifs de l'armée. En 1655, il fut nommé intendant de la province de Hainault. Pendant les dix années où il occupa ce poste, il se mérita les éloges de son supérieur, Mazarin, pour son zèle et sa compétence.

Premier mandat

Louis XIV En 1665, Louis XIV et Colbert étaient à la recherche d'un intendant pour la Nouvelle-France. Le poste était difficile et Colbert était exigeant. Son choix s'arrêta finalement sur Jean Talon qui reçut sa comission le 23 mars 1665. Ce dernier s'embarqua pour la Nouvelle-France le 24 mai à bord du Saint-Sébastien, en compagnie du gouverneur Rémy de Courcelle.

Lors de l'arrivée de Talon à Québec, le 12 septembre 1665, la France jouit d'une période de paix en Europe. On ne peut certainement pas dire la même chose de la Nouvelle-France. Depuis plus de 20 ans, la colonie est aux prises avec la menace iroquoise. La colonie est désorganisée et faible, sa survie est en grand danger. C'est pour cette raison que le roi envoie Talon en Amérique avec la mission de remettre la colonie sur pied. Alors que le gouverneur était responsable de l'armée et de la diplomatie, l'intendant devait s'occuper de l'administration civile.


L'année de l'arrivée de Talon marqua aussi l'arrivée des troupes promises par Louis XIV pour mettre fin à la menace iroquoise. Le lieutenant-général Prouville de Tracy fit construire trois forts sur le Richelieu dans le but de défendre la colonie. Talon, et ce malgré la relative pauvreté de la colonie et l'absence de routes, fit en sorte que les soldats reçoivent abris, vivres, vêtements, outils, armes et tout ce dont ils pourraient avoir besoin. Courcelle organisa deux expéditions et les Iroquois se rendirent en 1667. régiment Carignan-Salières
régiment
Carignan-Salières


Mais Talon ne négligea pas ses autres responsabilités à cause de la guerre. Il entendit plusieurs plaintes des citoyens et régla grand nombre de poursuites judiciaires. Il proposa la restoration du Conseil Souverain et des cours de justice furent établies à Montréal, Québec et Trois-Rivières.

Peuplement de la colonie

Talon avait également pour mission d'encourager le peuplement de la colonie. Tout d'abord, l'immigration fut encouragée. De 1665 à 1672, 1500 colons arrivèrent au Canada. À leur arrivée, les immigrants recevaient une terre, des outils essentiels et des vivres pour un an ou deux. Sur leur terre, deux acres avaient déjà été semés. En retour, ils promettaient de mettre en culture deux acres pour un futur arrivant. Grâce à l'intendant, les nouveaux colons recevaient ainsi une aide considérable. Talon désirait une immigration massive, mais Colbert croyait plutôt que la France ne devait pas être dépeuplée pour le bénéfice de la Nouvelle-France. Talon encouragea toutefois les soldats et les officiers du régiment Carignan-Salières à s'établir pour de bon dans la colonie.
On espérait bien sûr que ces immigrants, soldats et colons fondent des familles qui viendraient grossir la population coloniale. À cet effet, Colbert et Talon organisèrent la venue des «Filles du Roy». En sept ans, environ 1000 femmes trouvèrent mari en Nouvelle-France. Elles reçurent une dot de la part de l'intendant, des provisions, ainsi que 50 livres. Talon encouragea les parents à marier leurs enfants aussi tôt que possible. Il alla même jusqu'à convoquer les parents de jeunes célibataires pour que ceux-ci expliquent la conduite de leurs enfants. Une de ses mesures les plus sévères est sûrement l'ordonnance du 20 octobre 1671, selon laquelle tous les jeunes hommes célibataires devaient marier une jeune fille venue de France sans quoi ils perdaient leur droit de pêcher, de chasser et d'échanger des fourrures. COLBERT

D'autres mesures plus humaines et admirables furent mises sur pied. Talon voulut que des honneurs soient accordés aux chefs des plus grandes familles et que ceux-ci deviennent candidats à des postes dans l'administration civile. Aux pères de 10 enfants, il accorda une allocation annuelle de 300 livres, 400 livres pour les pères de 12 enfants. Aux jeunes hommes de 20 ans ou moins qui se mariaient, Talon accordait 20 livres. En 1671, Jean Talon annonça fièrement à Colbert qu'il y avait eu entre 600 et 700 nouvelles naissances dans la colonie. Entre 1666 et 1673, la population du Canada doubla, passant de 3215 à 7605 âmes.

Le recensement


Talon tenta d'encourager les Indiens à venir s'établir parmi les blancs, à s'unir à eux par mariage et à adopter leurs coutumes et leur mode de vie. Son entreprise fut un échec, et ce sont des colons qui adoptaient le mode de vie des Indiens plutôt que le contraire. Marie de l'Incarnation remarqua même «Un Français devient un Indien plus facilement qu'un Indien devient un Français.» Le 5 juin 1672, Talon interdit l'accès aux bois à tout colon sans une permission spéciale du gouverneur ou de l'intendant.

Jean Talon ne ménagea pas non plus ses efforts pour augmenter le nombre de terres cultivables le long du Saint-Laurent. De 1667 à 1668, elles passèrenent de 11 448 acres à 15 649 acres. Il encouragea les habitants à diversifier leurs cultures. En plus des cultures existantes de blé, de pois et de haricots, il introduit de nouvelles cultures de lin et de houblon afin que la colonie puisse produire ses propres tissus et sa propre bière. Ses projets portèrent fruits et bientôt la colonie fut en mesure d'exporter ses surplus vers les Indes occidentales (les îles des Antilles).

Industries coloniales

L'intendant encouragea également la diversification du bétail, jusqu'alors surtout constitué de boeufs et de porcs. Des chevaux et des moutons furent importés de France à chaque année. Les résultats furent phénoménaux. En 1671, on cessa l'importation de porc salé de La Rochelle et la colonie produisait suffisament de cuir pour chausser toute la population. La laine demeura toutefois assez rare, réalité que Colbert sembla encourager.

Talon introduit les métiers à tisser et encouragea femmes et filles à apprendre à les utiliser et à tisser leurs vêtements. Talon se vanta en 1671 d'être en mesure de s'habiller de la tête aux pieds de produits fabriqués en Nouvelle-France. En 1673, on estima la production de chaussures à 8000 par an. Il fit également construire une brasserie à Québec entre 1668 et 1670, le premier établissement du genre en Nouvelle-France. À l'époque, la colonie dépensait 100 000 livres par an pour l'achat de vins et spiritueux. Désireux de voir cet argent demeurer dans la colonie, Talon encouragea l'établissement de brasseries en limitant les importations.

Talon fit également inspecter les forêts et encouragea le développement de l'industrie forestière, exportant le bois vers la France et les Indes orientales. Il fit venir de France les appareils nécessaires à la production de goudron. L'intérêt de Talon dans le bois et le goudron était directement relié à son ambition de voir la Nouvelle-France construire ses propres navires. Il ouvrit même un chantier naval sur la rivière Saint-Charles.

Talon mit sur pied une entreprise de pêche commerciale dans le Saint-Laurent. En 1667, il expédia aux Indes occidentales du saumon salé, de l'anguille, de la morue salée et séchée et de l'huile de phoque. L'objectif de Talon était d'intéresser les colons à pêcher non seulement pour leur subsistance, mais également pour l'exportation. Pendant son premier mandat, Talon mit sur pied un réseau d'échanges commerciaux triangulaire entre la France, la Nouvelle-France et les Antilles.

Malheureusement, les entreprises de Talon dans tous les domaines de l'économie souffrirent beaucoup de son départ. Mais en 1668, il insista pour retourner en France pour des raisons de santé et pour voir à ses obligations familiales. Colbert et Louis XIV se montrèrent très satisfaits des efforts de Talon et le convainquèrent de retourner en Nouvelle-France en 1669.

Second mandat

Lors de son second mandat, tout en poursuivant ses projets, Talon se lança également dans des projets d'expansion de la colonie. Il envoya des explorateurs aux quatres coins de l'Amérique du nord afin de nouer de nouvelles alliances et de prendre possession de nouvelles terres. Il se lança également à la chasse aux minérais, dans le but d'ouvrir des mines sur ce nouveau continent.
Talon
Jean Talon


Lors du départ final de Talon en 1672, le roi ne nomma aucun remplaçant pendant trois ans. La colonie fut laissée sous la direction de Frontenac, dont les talents étaient surtout militaires. Les jeunes et fragiles entreprises de Talon souffrèrent beaucoup de son absence. De plus, le roi envoya de moins en moins d'argent dans sa colonie. De retour en France, Talon fut couvert de compliments et de gloire et fut récompensé par Louis XIV. Occasionnellement, il utilisa son influence pour aider son neveu, François-Marie Perrot, gouverneur de Montréal. Il vécut richement à Paris, sur la rue du Bac, jusqu'à son décès le 24 novembre 1694.


Le portrait de Jean Talon au haut de cette page (à gauche du titre) est utilisé avec la permission du service des archives et de la documentation du Musée de la civilisation de Québec (l'adresse de leur site se trouve sur ma page de liens). Je remercie madame Pauline Grégoire pour cette permission. Les mentions obligatoires à indiquer sont les suivantes:

Talon
Estampe, Théophile Hamel, sans date
Musée de la civilisation, dépôt du Séminaire de Québec, 1993.16425

Le drapeau du régiment Carignan-Salières est utilisé avec la permission de Luc Baronian. Son excellent site de vexillologie de l'Amérique française figure sur ma page de liens. Allez y jeter un coup d'oeil!






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