René Lévesque écrit:
Avant de rentrer à l'hôtel de la Chaudière, du côté québécois, Claude Morin et moi prîmes pourtant la précaution, pour la forme, de rappeler notre numéro de téléphone à deux ou trois des autres qui, selon leur habitude, s'étaient installés à Ottawa. "S'il survient du nouveau, n'oubliez pas de nous donner un coup de fil." "Pas de problème", répondirent-ils. Mais ils avaient peine à nous regarder en face. D'aucuns nous ont reproché d'être restés à Hull, ce soir-là. Auraient-ils voulu que nous allions traîner dans les couloirs du Château Laurier, peut-être même écouter aux portes? Vers une heure du matin, le téléphone n'avait toujours pas sonné, sauf pour nous rappeler que l'affreux petit déjeuner nous serait servi à huit heures trente. Revivant l'aventure dans laquelle nous étions plongés depuis le printemps et qui allait fatalement prendre fin dans quelques heures, je mis du temps à m'endormir. |
René Lévesque |
Pierre E. Trudeau |
Pierre Trudeau écrit pour sa part:
Chrétien et ses deux collègues provinciaux avaient tracé le cadre d'une proposition qui répondait à l'essentiel de nos exigences. Je décidai finalement de me rallier et je déclarai à mes ministres: "D'accord. J'autorise Chrétien à négocier une entente à partir de ces données. Mais le marché a besoin d'être un bon marché!" En le reconduisant vers la porte, j'ajoutai pour Chrétien: "Jean, si tu rallies à ta solution sept provinces représentant 50% de la population, il se peut que je l'accepte." Et j'allai me mettre au lit. C'est le téléphone qui me réveilla le lendemain, vers sept heures. Chrétien me proposait de déjeuner avec lui; toutes les provinces, à l'exception du Québec, acceptaient sa proposition. À la reprise des travaux, deux heures plus tard, le 5 novembre 1981, j'invitai Brian Peckford, premier ministre de Terre-Neuve (qui ne saisit pas, je crois, l'ironie de ma démarche), à lire à voix haute les termes de l'entente puisque, de son propre aveu, c'est lui qui se situait le plus près de René Lévesque par sa conception du Canada. |