portrait PONTIAC



Pontiac, également appelé Pondiak ou Pondiag par les Français et Obwandiyag par les Outaouais, est un personnage historique important dans l'histoire de l'Amérique du Nord. À cette époque où la Nouvelle-France, conquise, déchue et abandonnée, semblait perdue à jamais, un seul homme semblait être encore prêt à se battre pour elle. Cet homme, c'est le célèbre chef Pontiac.

On ne connaît presque rien des 30 premières années de la vie de Pontiac, y compris la date ou l'endroit exact de sa naissance. On sait qu'il est probablement né entre 1712 et 1725, probablement dans un village de la tribu des Outaouais. On peut toutefois spéculer sur ses activités pré-1757.

En 1736, 200 guerriers outaouais et ojibwas demandèrenent aux autorités françaises d'être amenés «à Montréal pour y combattre les Anglais». Pontiac était peut-être l'un de ceux-là. En 1752, un contingent de 240 Canadiens et Outaouais attaqua le village de Pickawillany (aujourd'hui Piqua, Ohio). Ce village, en dépit des alliances et des traités, permettait aux Anglais de voyager et de commercer sur leur territoire. Pontiac fit peut-être partie du groupe qui mit fin à ces activités séditieuses. En 1755, les Anglais attaquèrent le Fort Duquesne (aujourd'hui Pittsburgh). À la garnison française qui défendait le fort s'ajoutèrent 1000 alliés amérindiens, 300 Outaouais de Détroit (dont faisait très probablement partie Pontiac) et 700 de Michilimackinac. Les alliés victorieux affligèrent une terrible défaite à leurs agresseurs britanniques. Un an plus tard, Montcalm fit appel à ces fidèles alliés algonquiens pour participer à une expédition contre le fort William Henry (aujourd'hui Lake George dans l'état de New York). Dans le groupe de Montcalm on comptait 30 Outaouais qui provenaient du village de Pontiac. Fort Duquesne
Fort Duquesne


En 1757, Pontiac informa Pécaudy de Contrecoeur au Fort Duquesne que les Anglais avaient tenté de le jouer en lui disant que Québec avait été capturée. Par ce mensonge, ils espéraient acquérir son amitié et son support. Pontiac déclara avoir résisté à ces avances et ne manqua pas de rappeller à Contrecoeur les avantageuses promesses qui avaient été faites aux amis de la cause française.

En 1758, plusieurs Outaouais de Détroit se battaient toujours contre les Anglais à proximité du Fort Duquesne que les Français avaient été obligés d'abandonner le 24 novembre. Les victoires anglaises commencèrent alors à se multiplier. Après la prise de Louisbourg, de l'Île Royale (l'île du Cap Breton), des forts Carillon (Ticonderogua, N.Y.) et Niagara (Youngstown, N.Y.), la victoire britannique sembla de plus en plus inévitable. Les Britanniques organisèrent une rencontre avec les Outaouais en août 1759 et deux des chefs de la tribu étaient présents pour affirmer leur bonne volonté à l'égard des Anglais. Pontiac n'était pas présent à cette rencontre. Le village de Pontiac était si divisé sur la question que plusieurs Outaouais qui désiraient s'allier à l'Angleterre avaient dû quitter le village pour aller s'établir plus au sud.

La conquête

Après la capitulation de Montréal en 1760, le major Rogers et ses 200 Rangers furent envoyés pour prendre possession de Détroit. Ils rencontrèrent Pontiac en chemin et ce dernier se montra pacifique avec ces hommes qui tout récemment avaient été ses ennemis. Il faut dire que les Britanniques avaient alors promis aux Amérindiens de l'ouest des échanges commerciaux plus avantageux dans le but d'acquérir leur loyauté.

Or, les intentions des Anglais étaient bien différentes de leurs promesses. Les Français avaient pris l'habitude d'approvisionner leurs alliés amérindiens en fusils et en munitions en plus de mettre à leur disposition plusieurs services gratuits. Le général Amherst décida que, dorénavant, s'ils désiraient des armes, les Amérindiens devraient les obtenir dans des échanges commerciaux. De plus, les tribus devraient maintenant se rendre elles-mêmes aux postes de traite anglais pour faire du commerce et il serait interdit aux commerçants anglais d'acheter leurs biens avec du rhum. Les Amérindiens étaient furieux et ne manquèrent pas de protester. En juin 1761, selon le nouveau commandant de Détroit Donald Campbell, les Outaouais incitaient «toutes les nations de la Nouvelle-Écosse juaqu'à l'Illinois à prendre la hache de guerre contre les Anglais.»

Une grande conférence de paix fut organisée d'urgence à Détroit en 1761. Malgré les ordres de Amherst interdisant «d'acheter la bonne conduite des Amérindiens avec des cadeaux», les Anglais décidèrent de ne pas mentionner cette nouvelle politique à leurs invités et les couvrèrent même de présents pour qu'ils ne se doutent de rien. Au lieu du chef de guerre Pontiac, c'est le vieux chef civil Mécatépilésis qui parla au nom des Outaouais. La rencontre fut un succès mais peu de temps après, les Amérindiens réalisèrent quelles étaient les nouvelles ordres secrètes de Amherst et les projets de révoltes reprirent de plus belle.

Frustrations et complots

En 1762, la rumeur courait que la France avait l'intention de recapturer la ville de Québec, ce qui encouragea les révolutionnaires amérindiens. À l'été de 1762, Pontiac organisa une rencontre secrète à Détroit entre les Outaouais, les Ojibwas, les Hurons, les Potawatomis et d'autres chefs de la région du lac Supérieur. Deux Canadiens étaient également présents. Une grande rébellion s'organisa. On tenta de contacter les Weas, les Sénécas, les Delawares, les Sawnees et même les Miamis. Plusieurs messages furent interceptés par les Anglais et la rébellion prévue pour 1763 n'eut pas lieu.

conseil de guerre
Conseil de guerre de Pontiac
Mais Pontiac ne se laissa pas décourager et, en avril 1763, il convia les Potowatomis et les Hurons pour une nouvelle rencontre à la rivière à l'Écorce. Un plan d'attaque armé fut alors mis sur pied. Trois jours plus tard, environ 50 Amérindiens furent admis à l'intérieur du fort Détroit sous prétexte de vouloir faire la danse du Calumet pour les occupants. Le vrai but de la visite était d'espionner la garnison. Le plan prit ensuite forme. Pontiac allait demander aux Anglais d'organiser une assemblée. Les participants amérindiens cacheraient des armes sous leurs vêtements et en distribueraient aux habitants français. Les conspirateurs attendraient alors le signal de Pontiac pour passer à l'action.


Mais un traître informa le nouveau commandant de Détroit du complot. Lors de la visite de Pontiac, ce dernier doubla la garde et ordonna à ses hommes de porter leurs épées bien en vue et de toujours entourer les Amérindiens pendant les cérémonies. Pontiac réalisa que son plan avait été découvert et ne donna pas le signal qui aurait déclenché le combat.

La révolte

Pontiac fut de retour à Détroit le 6 mai pour une deuxième tentative. Il était accompagné de ses hommes répartis dans 65 canots mais cette fois-ci, Gladwin lui refusa l'accès au fort. Le chef outaouais décida alors d'assiéger le fort et de tendre des embuscades autour de celui-ci. Pendant ce temps, les Ojibwas attaquèrent avec succès un détachement anglais. Le 10 mai, Pontiac informa Gladwin qu'il était prêt à négocier la paix. La rencontre aurait lieu dans la maison d'Antoine Cuillerier dit Beaubien. Plusieurs Indiens et Canadiens étaient présents, dont Jacques Godfroy qui prit part à l'insurrection ainsi qu'un interprète du nom de Pierre Chesne dit Labutte. Deux officiers anglais, Donald Campbell et George McDougall arrivèrent et furent immédiatement faits prisonniers. Les Potawatomis capturèrent deux autres Anglais au fort Saint-Joseph (aujourd'hui Niles dans l'état du Michigan) et ils furent amenés et éxécutés à la maison de Cuillerier. Pontiac demanda alors à Gladwin de capituler sans quoi il éxécuterait les deux autres otages. Le commandant anglais refusa.

Pontiac et deux des chefs potawatomis forçèrent les fermiers à fournir leurs hommes en nourriture, ce qui ne fit rien pour augmenter leur popularité auprès des Canadiens. Malgré tout, la révolte fit rage pendant plus d'un mois dans les pays d'en haut. En mai, dix navires anglais furent capturés par les Outaouais avec leurs équipages et leurs provisions. Les forts Miami et Saint-Joseph tombèrent aux mains des Illinois et des Miamis. Le fort Ouiatanon (près de Lafayette dans l'Indiana) fut capturé par les Weas, des Mascoutens et les Kickapoos alors que les Ojibwas s'emparaient du fort Michilimackinac. Les Sénécas, les Delawares, les Shawnees et les Hurons se joignirent à l'insurrection et capturèrent plusieurs autres postes militaires dont le fort Venango (aujourd'hui Franklin en Pennsylvanie), le fort de la Rivière au Boeuf (Waterford, Penn.) et le fort de la Presqu'île (Erie, Penn.).

Amherst qui avait d'abord sous-estimé les Amérindiens ordonna que des troupes se mettent en marche vers le fort Détroit pour écraser les rebelles. Pontiac, lui, fit une ultime tentative pour gagner les Canadiens à sa cause. Zacharie Chiquot et environ 300 jeunes hommes acceptèrent de se joindre à lui. Mais plusieurs autres francophones décidèrent de s'allier aux Anglais.

Lorsque les troupes anglaises arrivèrent à Détroit, elles avaient en leur possession le texte du traité de Paris par lequel la France renonçait à ses possessions en Nouvelle-France. Les Potowatomis et les les Hurons se dissocièrent alors de Pontiac et brisèrent l'alliance. Le 25 juillet, Jacques Godfroy revint du fort Chartres en Louisiane avec un mauvaise nouvelle; la France n'enverrait aucun renfort pour venir en aide à Pontiac. Le moral était à son plus bas lorsque, le 29 juillet, les Anglais organisèrent une contre-attaque et 247 soldats surgirent du fort Détroit. Pontiac et ses hommes avaient été informés de l'attaque par des Canadiens et attendaient les soldats anglais qui furent mis en pièces.

Pendant ce temps à New York, le général Amherst était complètement dépassé par les événements. Enragé contre Pontiac et ses alliés, il autorisa ses hommes à échanger des couvertures infestées de petite vérole aux Amérindiens dans le but qu'ils soient exterminés par la maladie, une première dans les annales de la guerre biologique. Plusieurs documents indiquent que la manoeuvre eut bien lieu et qu'elle fut un succès. La maladie fit bientôt des ravages horribles parmi les Amérindiens de la région. Amherst écrit également à ses hommes: «Vous ferez bien, ainsi que d'user de tous autres procédés capables d'exterminer cette race abominable. Je serais très heureux si votre plan de les chasser avec des chiens était mis en oeuvre!»

Mais en octobre, et ce malgré tous ses efforts pour les convaincre de persister, les alliés de Pontiac commencèrent à le déserter pour participer à la chasse annuelle. À la fin du même mois, un messager du fort Chartres apporta des lettres du commandant français Neyon qui confirmaient que l'Angleterre et la France étaient de nouveau en paix. Les lettres encouragaient les Amérindiens à mettre fin aux hostilités et conseillaient aux habitants canadiens qui désiraient demeurer sous le régime français de déménager à l'ouest du Mississippi. Suite à la révélation de ces messages, les Canadiens acceptèrent de vendre 8000 livres de blé à la garnison de Détroit qui en avait grandement besoin.

Pontiac entreprit alors de se rendre lui-même en Louisiane pour demander des renforts au commandant Neyon. Il arriva sur les lieux en avril 1764 et Neyon lui expliqua qu'il ne désirait pas se battre puisque la France et l'Angleterre étaient de nouveau en paix. Pendant son absence, un rival de Pontiac nommé Manitou, entreprit de mettre fin aux hostilités et de pacifier les derniers partisans de Pontiac.

La paix et ses terribles conséquences

Pontiac demeura chez les Arkansas et continua à prêcher la rébellion avec un chef shawnee du nom de Charlot Kaské. Il caressait maintenant le projet d'une grande confédération des tribus amérindiennes du nord et du sud qui pourrait tenir tête à l'envahisseur anglais. Mais après un dernier refus de la Nouvelle-Orléans d'envoyer des renforts, Pontiac accepta finalement de signer la paix avec l'Angleterre. La première conférence eut lieu à Ouiatanon en juillet 1765. Pontiac déclara qu'il signerait l'accord seulement à la condition que les Britanniques n'envahissent pas le territoire. Il expliqua que la conquête des forts français ne donnait pas à l'Angleterre le droit de posséder le territoire et de le coloniser à leur guise. Les Français étaient venus vivre parmi les Amérindiens en frères et non pas en seigneurs. Il ajouta que la France ne les avait jamais conquis et n'avait jamais acheté leurs terres, celles-ci leur revenaient donc de plein droit. La paix fut signée en présence des Outaouais, des Ojibwas, des Hurons et des Potawatomis.

Pontiac parla au nom de toutes les tribus lors de ces conférences de paix et cela nourrit la jalousie et l'envie de plusieurs des autres chefs qui décidèrent alors de se débarasser de ce charismatique adversaire politique. De plus, certains de ses anciens camarades qui désiraient continuer à opposer l'Angleterre le virent dès lors comme un traître. Son village décida même de le bannir!

Le chef jadis si populaire s'était acquis de puissants ennemis. Le 20 avril 1769, alors que le célèbre outaouais quittait Cahokia, il fut assassiné par le neveu du chef Matakachinga des Peorias. Immédiatement après, pour prouver que les Anglais n'avaient pas été impliqués dans le complot, le commandant John Wilkins du fort Cavendish ordonna à un commerçant local de voir à l'enterrement de la victime. On croit que le marchand aurait laissé les Français transporter le corps de Pontiac de l'autre côté du Mississippi pour l'enterrer avec tous les honneurs à Saint-Louis (Montana). L'endroit exact demeure inconnu.

Malgré l'échec de sa rébellion, Pontiac demeure un des personnages nord-américains les plus importants de son époque. Son charisme, son intelligence et ses talents d'orateur demeurent légendaires. Ayant à choisir entre la France et l'Angleterre, il aura d'abord choisi l'allié le plus généreux et le moins envahissant. Il perçut clairement par la suite les dangers qui menaceraient son peuple pendant de nombreuses générations; l'invasion lente mais inexorable de leurs terres par ces Anglais toujours désireux d'étendre leurs frontières vers l'ouest.


La photo de la maquette du fort Duquesne est utilisée avec la permission de Ray Ottulich de la compagnie américaine Table Top Studios, créatrice extraordinaire de maquettes de très haute qualité. Vous pouvez visiter leur site en cliquant ici.

Des documents furent réunis par le professeur Peter d'Errico de l'université du Massachussetts, qui semblent prouver sans l'ombre d'un doute que la tactique des couvertures infestées de petite vérole fut non seulement utilisée par les Anglais, mais qu'elle fut également autorisée par Amherst lui-même. Vous pouvez consulter ces documents en cliquant ici. Merci à M. Normand Lester qui m'a informé de l'existence de cette page.



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