La Nouvelle-France en Floride?




La Florida espagnole

Les Espagnols furent les premiers à explorer «La Florida» une énorme région qui couvrait tout l'actuel sud-est des États-Unis. La péninsule de la Floride fut découverte par Juan Ponce de León en 1513. Un riche avocat, Lucas Vásquez de Ayllón tenta d'établir une colonie espagnole en 1526, sans succès. Suite à cet échec, en 1528, Pénfilo de Narváez débarqua à Bahia Honda (Tampa Bay) avec 400 soldats. Mais sa tentative de conquête tourna au désastre et seuls quatre membres de l'expédition survécurent et rentrèrent au Mexique à pied (un voyage qui dura huit ans). En 1539, Hernando de Soto débarqua à son tour à Bahia Honda et passe les trois prochaines années à explorer la région. Il découvrit le Mississippi avant de mourir avec la plupart de ses hommes. Une fois de plus, quelques survivants rentrent au Mexique. Décidément, La Florida ne s'avérait qu'une source d'interminables problèmes. Philippe II d'Espagne, découragé, mit temporairement un terme aux tentatives de conquêtes.

La Floride française

Suite aux explorations de la côte est américaine par Verrazano en 1524, la France commença elle aussi à s'intéresser à l'Amérique. Le chef des Huguenots protestants, l'amiral Gaspard de Coligny, réussit à convaincre le roi Charles IX que le succès futur de la France dépendait de l'Amérique. Il fallait, tout comme l'Espagne et le Portugal l'avaient déjà fait, établir des colonies dans ce lointain Nouveau Monde qui semblait déborder de richesses. En 1562, Coligny choisit un des meilleurs navigateurs de France, Jean Ribault, natif de Dieppe, et le nomma à la tête de l'expédition. René de Laudonnière, qui était l'assistant de l'amiral Coligny, fut nommé second.

Première tentative: L'expédition de Ribault

Ribault atteint la côte de la Floride le 30 avril 1562. Il navigua vers le nord jusqu'à la rivière St.Johns, près de l'actuelle ville de Jacksonville. Les Français y élevèrent une colonne sur laquelle ils placèrent les armoiries de la reine Catherine. Ils entrèrent en contact avec les Amérindiens locaux, les Timucuans et les relations furent très amicales. Puis, contrevenant aux ordres de Coligny qui avait interdit la construction d'un établissement, Ribault se rendit à l'île Parris (près de l'actuelle ville de Port Royal en Caroline du Sud) et construit une habitation qu'il nomma Charlesfort. Il y laissa le capitaine Pierra en charge de 30 soldats et repartit pour la France.

En France, les conflits religieux avaient repris de plus belle. Ribault découvrit que sa ville de natale de Dieppe était assiégée par les catholiques. Il se rendit donc en Angleterre où il s'adressa à la reine Elizabeth, une protestante comme lui, pour qu'elle vienne en aide à Charlesfort. Lorsqu'il réalisa que l'Angleterre avait l'intention de s'emparer de la Floride, il tenta de s'échapper mais fut capturé et jeté dans la Tour de Londres.

Pendant ce temps, à Charlesfort, l'isolation et l'attente devinrent de plus en plus insupportables. Le capitaine Pierra fut tué après une mutinerie et les hommes décidèrent de rentrer en France par leurs propres moyens. Ils construisirent une minable barque de pin, de vignes et de mousse et s'embarquèrent tous pour l'Atlantique, sauf pour un jeune homme de 17 ans, Guillaume Rouffi, qui décida de tenter sa chance avec les Indiens. La barque se retrouva isolée en plein Atlantique et immobile pendant une accalmie de 21 jours. Les hommes survécurent un certain temps en mangeant leurs vêtements et en buvant leur urine. Désespérés, ils décidèrent ensuite qu'il était préférable qu'un homme meurt plutôt que tout le groupe. Un dénommé Lachère fut alors tué et dévoré par ses compagnons. Cette barque des horreurs fut finalement découverte par un navire anglais qui vint en aide à ses occupants au seuil de la mort. Le chef de l'expédition, Nicholas Barré, fut interrogé par la reine d'Angleterre et jeté lui aussi dans la Tour de Londres.

La même année, les Indiens amenèrent le jeune Guillaume Rouffi et le livrèrent aux autorités espagnoles. Rouffi conduisit les Espagnols jusqu'à l'établissement abandonné de Charlesfort qui fut immédiatement brûlé. Ils rentrèrent ensuite à Cuba, satisfaits qu'ils venaient d'effacer la présence française en Floride.

Deuxième tentative: l'expédition de Laudonnière

Ce que les Espagnols ignoraient, c'est que René de Laudonnière, nommé à la tête d'un seconde expédition, arrivait sur les côtes de la Floride quelques jours plus tard. L'expédition de 300 hommes (dont Jacques Le Moyne de Morgues, premier peintre important de l'histoire de l'Amérique du Nord) et 4 femmes arriva en 1564 sur la rive de la rivière St.Johns. Ils y construisirent un nouvel établissement fortifié qu'ils nommèrent Fort Caroline. Pendant l'hiver suivant, la menace d'une famine se fit de plus en plus menaçante. Un groupe de rebelles complota contre Laudonnière mais ils furent découverts avant de mettre leur plan à éxécution. Treize rebelles prirent un bateau et s'enfuirent vers Cuba. C'est ainsi que les autorités espagnoles apprirent que les Français étaient de retour en Floride.

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Le Fort Caroline
Après un long isolement, la colonie était en piètre état lorsque le capitaine anglais John Hawkins s'y arrêta et partagea ses réserves de nourriture avec les colons. Laudonnière échangea plusieurs de ses canons et une partie de ses réserves de poudre contre un des navires de Hawkins qu'il avait l'intention d'utiliser pour rentrer en France. Mais avant de s'embarquer, à la surprise générale, Jean Ribault arriva à la tête d'une flotte de sept navires (transportant 600 personnes, des vivres et des armes)! Il avait été libéré de sa prison à Londres et envoyé par les autorités françaises pour venir en aide à la petite colonie floridienne.


Furieux d'apprendre que les Français étaient de retour en Floride, le roi d'Espagne ordonna à un de ses plus compétents capitaines, Pedro Menéndez de Avilés, d'expulser les Français de ses terres à tout prix. En 1565, Menéndez arriva à l'embouchure de la rivière St.Johns. Les navires de Ribault bloquaient l'entrée de la rivière et forcèrent les Espagnols à se replier vers le sud. Ils débarquèrent à un endroit qu'ils jugeaient stratégique et construisirent des fortifications qu'ils nommèrent San Augustín (l'actuelle St.Augustine en Floride). Il s'agit aujourd'hui de la plus vieille ville habitée en permanence de l'histoire d'Amérique du Nord.

La France et l'Espagne en guerre pour la Floride!

Ribault décida de prendre l'initiative et d'attaquer les Espagnols pendant qu'ils étaient occupés à s'installer. Malheureusement pour lui, les navires furent pris dans une soudaine tempête qui les poussa au-delà des fortifications espagnoles. La plupart des navires français vinrent se fracasser sur les côtes de l'actuelle ville de Daytona Beach. Voyant cela, Menéndez décida de mettre sur pied sa propre attaque-surprise. Il partit à la tête de 500 soldats pour attaquer le Fort Caroline. Grâce à un traître français à la solde des Espagnols, l'attaque sur le fort fut un succès. Les soldats professionels de Menéndez vinrent facilement à bout de la garnison française, composée principalement d'hommes sans expérience militaire. Laudonnière et l'artiste Jacques Le Moyne (dont les dessins et peintures demeurent une importante source d'informations sur les peuples amérindiens de l'époque) s'enfuirent en France avec 45 survivants. En une heure, les Espagnols tuèrent 142 Français avant que le fort capitule. Menéndez, lui, n'avait perdu qu'un seul soldat. Le fort fut rebaptisé San Mateo.

Les forces de Ribault, échouées sur les plages de Daytona, n'avait d'autre choix que de marcher vers le nord et d'assiéger San Augustín à leur tour. Ils auraient peut-être pu réussir si mais ils se retrouvèrent coincés, incapables de traverser la rivière, faute d'outils et de bois. C'est là, le 29 septembre 1565, que Menéndez trouva les quelques 200 Français épuisés qui capitulèrent aussitôt. Plusieurs riches Français offrirent à Menéndez d'acheter leur liberté mais ce dernier refusa.

Matanzas Inlet

Les Français furent faits prisonniers. Le 12 octobre suivant, les Espagnols leur attachèrent les mains dans le dos puis, par groupes de dix, ils leur firent traverser la rivière, les conduisirent derrière une dune de sable à l'abris des regards de leur compagnons et les massacrèrent à coups de couteaux et d'épées. Lorsque le tour de Ribault vint et qu'il se retrouva face à face avec Menéndez, on raconte qu'il lui offra une généreuse ranson pour sa liberté. L'Espagnol refusa suite à quoi Ribault aurait déclaré sa fierté d'être Luthérien avant d'être poignardé à son tour. Seulement une douzaine de Français furent épargnés après avoir déclaré qu'ils étaient catholiques. Depuis cet horrible événement, la crique porte le nom de «Matanzas Inlet», ce qui signifie Crique aux massacres. gravure
Le massacre de Matanzas Inlet

Ainsi se terminait, dans cet ignoble bain de sang, l'aventure française en Floride. Il faudrait attendre Samuel de Champlain pour voir une autre tentative de colonisation française en Amérique du Nord, cette fois dans le golfe et la vallée du Saint-Laurent.




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