La vérificatrice générale Sheila Fraser déposa, le 10 février 2004, un rapport dévoilant l'ampleur de ce qu'il est maintenant convenu d'appeler "le scandale des commandites". Le rapport explique notamment comment 100 des 250 millions du budget du programme fédéral de commandites se sont retrouvés dans les poches de quelques firmes de publicité et de communication au lendemain de la mince victoire du «non» au référendum de 1995. Pendant près de six ans, des entreprises amies du Parti libéral du Canada ont encaissé plus de 100 millions de dollars d'un fonds servant à commanditer différents événements culturels et sportifs. | Sheila Fraser |
Paul Martin |
Une lettre adressée à Paul Martin par un dirigeant du Parti libéral du Canada vient hanter le premier ministre, 24 mois plus tard. La lettre, datée du 7 février 2002, signée par Akaash Maharaj, lui demande de s'attarder aux rumeurs voulant que des sommes d'argent transitant par le programme fédéral des commandites aient été utilisées de façon malveillante, à des fins partisanes.
Or, Paul Martin était ministre des Finances à cette époque et il était le ministre senior le plus en vue au Québec. Akaash Maharaj lui mentionne dans son texte qu'il est la personne la plus appropriée pour examiner le dossier. Akaash Maharaj affirme que le bureau de M. Martin a bel et bien accusé réception de la lettre, mais qu'il ne lui a jamais donné suite. |
Jean Chrétien a éludé toutes les questions de la presse portant sur le scandale du programme des commandites. À coup de plaisanteries et de haussements d'épaules, l'ex-premier ministre a donné un aperçu de la façon dont il aurait traité la crise qui secoue le Parti libéral. «Nous devrions aller faire du ski aujourd'hui, ça vaudrait mieux», a-t-il lancé à la horde de journalistes qui le pourchassaient de son cabinet d'avocats jusqu'au véhicule qui l'attendait. |
Jean Chrétien |
Alfonso Gagliano |
Une demi-heure avant le dépôt du rapport de la vérificatrice générale, Ottawa démet de ses fonctions d'ambassadeur du Canada au Danemark l'ancien ministre libéral Alfonso Gagliano. Le ministre des Affaires étrangères, Bill Graham, évoque la nécessité de protéger la réputation du Canada. Lorsqu'il était ministre des Travaux publics, M. Gagliano était responsable du programme de commandites.
Un mois après avoir été congédié, Gagliano rencontre la presse. M. Gagliano a dit avoir été congédié par le premier ministre Martin avant que la preuve ait été faite qu'il avait mal agi et qu'il ait eu la chance de faire connaître sa version des faits. M. Gagliano envisage aussi un recours juridique contre le gouvernement fédéral. |
Charles Guité |
Guité a aussi indiqué que l'ancien ministre des Travaux publics, Alfonso Gagliano et le bureau de l'ancien premier ministre Chrétien participaient aux décisions pour déterminer quels événements devaient recevoir l'argent du programme des commandites. Au sujet du choix des firmes de communication, Guité explique: «Nous ne voulions pas faire affaire avec une agence à tendance séparatiste. Nous n'aurions pas engagé une agence pour faire la promotion de l'unité nationale si cette même agence travaillait pour les séparatistes de son côté». Le gouvernement punissait ainsi toutes les agences qui OSAIENT signer des contrats avec des groupes souverainistes en les privant de contrats fédéraux. On amène ainsi le délit d'opinion à un tout autre niveau! |
Le 10 mai, le président et fondateur de Groupaction, Jean Brault, et l'ancien fonctionnaire responsable du programme des commandites, Charles Guité, ont été arrêtés pour une fraude totalisant 1 967 000$ en lien avec le scandale des commandites. Les deux hommes sont accusés d'avoir comploté dans l'attribution de contrats à la firme Groupaction entre 1996 et 1999. Le procureur général du Québec a mis plus de deux mois pour conclure que la preuve était suffisante pour porter des accusations de fraude contre les deux hommes. Ils feront face à six chefs d'accusation, soit une accusation de complot et cinq accusations de fraude. Les deux hommes plaident non coupables. Avant ces arrestations, une seule personne avait été formellement mise en accusation dans la foulée du scandale des commandites. Il s'agit du président de la firme Communication Coffin, Paul Coffin. Dix-huit chefs d'accusation ont été prononcés contre l'homme d'affaires cinq mois auparavant. | Jean Brault Photo: Ivanoh Demers, La Presse |
Gilles Duceppe |
Lors des élections fédérales du 28 juin 2004, les électeurs québécois font connaître leur indignation au gouvernement libéral. Des 75 sièges du Québec à la Chambre des communes, 54 reviennent à des candidats du Bloc québécois et seulement 21 à des libéraux. Le Bloc obtient ainsi environ 50% des suffrages. Gilles Duceppe, le chef du Bloc, déclare: «Les Québécois ont rejeté la tentative des libéraux de vouloir les acheter à coup de drapeaux et de commandites!»
Malgré la vague bleue qui déferle sur le Québec, l'Ontario vote encore rouge et Paul Martin reste au pouvoir, toutefois à la tête d'un gouvernement minoritaire. Aux Québécois, Martin déclare: «Nous avons compris votre message.» |
Le 31 juillet, le rapport de vérification déposé par la firme Deloitte & Touche au bureau du ministre fédéral du Revenu, John McCallum, est dévastateur. On reproche au président-directeur général de la Société canadienne des postes, André Ouellet, d'être intervenu dans le processus d'achat de produits et services pour une somme de 35 millions, d'avoir usé de son influence pour faire embaucher du personnel, ainsi que d'avoir réclamé des allocations de dépenses pour plus de 2 millions, sans pièces justificatives. M. Ouellet a aussi omis de fournir les pièces justificatives pour ses dépenses de voyages et d'hébergement, qui oscillaient entre 127 000$ et 327 000$. | André Ouellet |
Le 7 septembre marque le début des audiences publiques de la Commission d'enquête sur le programme de commandites et les activités publicitaires. C'est le juge John Gomery, de la Cour supérieure du Québec, qui préside l'enquête. En vertu de son mandat, la commission n'a pas le pouvoir «d'imputer une responsabilité criminelle ou civile» et devra simplement émettre des recommandations. |
John Gomery |
Les témoignages se poursuivent. Le 13 octobre, on apprend que l'ex-ministre des Travaux publics, Alfonso Gagliano, était largement impliqué dans les décisions entourant les commandites. Son bureau avait même mis sur pied un système de classement secret, a expliqué à la Commission Gomery Isabelle Roy, une fonctionnaire qui occupait le poste d'adjointe spéciale au cabinet du ministre. |
Gagliano et Chrétien |
Jean Lafleur |
L'homme d'affaires Jean Lafleur a puisé dans les 3,3 millions de fonds fédéraux versés au soutien du magazine de Via Rail, que produisait sa firme Lafleur Communication Marketing, pour agrémenter la vie de certaines relations d'affaires. Cela établi, le 7 mars, la commission Gomery n'a pu savoir qui a profité des parties de pêche, des équipements sophistiqués de pêche ou encore des billets de hockey pour les Canadiens, la mémoire de M. Lafleur étant déficiente une fois de plus. |
Jacques Corriveau est «politiquement inactif depuis 10 ans» et n'a jamais parlé commandite avec celui qu'on a décrit comme son ami intime, l'ex-premier ministre Jean Chrétien.
Entamant le 14 avril un témoignage fort attendu, M. Corriveau a tout au plus concédé que M. Chrétien est un «bon ami» qu'il voit une ou deux fois par année. Il affirme en outre avoir participé à quelques activités de financement du Parti libéral du Canada à la fin des années 90. |
Jacques Corriveau |
Jean Chrétien, Jean Pelletier, Alfonso Gagliano: voilà la «direction politique» tant recherchée du scandale des commandites, a conclu le juge John Gomery dans un rapport de plus de 700 pages rendu public le premier novembre 2005, dans la capitale fédérale, sous le titre Qui est responsable?
À la demande du premier ministre, écrit-il, «M. Pelletier a lancé ce Programme et l'a personnellement dirigé. (…) Le Programme a été lancé dans la précipitation, sans faire l'objet de la moindre annonce publique», ajoute le juge. |
Jean Pelletier |
Tout n'a pas été dit sur le rôle joué par Paul Martin relativement au programme fédéral des commandites, avance Gilles Toupin, journaliste au quotidien La Presse, dans son livre tout chaud portant le titre "Le déshonneur des libéraux".
Contrairement à bien des commentateurs qui ont suggéré que le commissaire John Gomery a cherché à ménager Paul Martin dans son premier rapport, le journaliste estime qu'il a exonéré ce dernier tout simplement parce qu'il devait s'en tenir à la preuve faite devant lui tout au long de ses travaux. Tel était son mandat. |
Paul Martin |
Charles Guité venait à peine d'être déclaré coupable par un jury, le 6 juin 2006, d'avoir fraudé le gouvernement fédéral dans l'attribution de cinq contrats à Groupaction qu'il annonçait au juge Fraser Martin son intention d'en appeler de ce verdict. Quelques secondes plus tard, il se retrouvait les menottes aux poignets et tentait tout de même, tant bien que mal, de placer un appel téléphonique.
Celui qui faisait quotidiennement depuis le début de son procès, le 5 mai, le trajet par train Ottawa-Montréal et l'inverse, en première classe, a plutôt été amené en prison. |
Guité |