Les Acadiens: contre vents et marées




1524: C'est l'explorateur Verrazzano qui aurait d'abord donné à la région le nom d'«Accadie». Ce nom provient peut-être de «Arcadie» (légendaire province de la Grèce antique) ou encore «La Quoddy» ou «La Cadie» (une adaptation française d'un mot micmac qui signifierait «endroit fertile»).

1605: Les premiers colons français débarquent avec Samuel de Champlain dans la Baie Française (aujourd'hui rebaptisée la Baie de Fundy). Champlain fonde Port-Royal (aujourd'hui Annapolis en Nouvelle-Écosse). Les habitants adoptent très tôt le nom «Acadiens». Au cours des années, ils développeront leur propre culture, leurs propres coutumes et une variété de français unique au monde (le français acadien). On y retrouve plusieurs particularités du français parlé dans le Poitou à cette époque.

1607: Port-Royal est capturé et détruit par les Britanniques. Les Français ne se laissent toutefois pas décourager et rebâtissent l'établissement quelques années plus tard.

1613: Malgré le fait que la France et l'Angleterre soient en temps de paix, le capitaine Samuel Argall de Virginie attaque l'Acadie. Il s'empare du nouvel établissement de Saint-Sauveur puis pille et incendie Port-Royal pendant que ses habitants sont absents.

1621: Le roi d'Angleterre revendique l'Acadie qu'il rebaptise «Nova Scotia» (Nouvelle-Écosse). Il cède la colonie à un gentilhomme écossais, Sir William Alexander.

1628: Alexander installe une garnison de 70 hommes à Port-Royal qu'il rebaptise Fort Charles.
gravure
1613: Port-Royal en flammes


1629: Suite au traité de Suze, le cardinal de Richelieu exige que l'Acadie soit restituée à la France. Les Anglais sont forcés de quitter. L'Acadie et Port-Royal retrouvent leurs noms originaux.

1654: L'Angleterre déclare l'Acadie «possession illégitime des Français» et entreprend une reconquête. Le major Segewick attaque et s'empare à nouveau de l'Acadie.

1657: La France considère toujours que l'Acadie lui appartient et Mazarin nomme LeBorgne gouverneur. Mais les Anglais occupent toujours le territoire et nomment leur propre gouverneur de Nova Scotia.

1667: Avec le traité de Bréda, l'Angleterre accepte de restituer l'Acadie à la France en échange d'îles dans les Antilles. LeBorgne est confirmé dans ses fonctions.

1670: Hector D'Andigné, sieur de Grand Fontaine est nommé gouverneur de l'Acadie. Il entreprend un grand recensement acadien qui révèle une population d'environ 500 personnes. LeBorgne devient gouverneur de Port-Royal.

1676: Frontenac, gouverneur de la Nouvelle-France, concède la région de Beaubassin à Michel Leneuf de La Vallière pour qu'il voit à son peuplement et à son développement.

1680: Pierre Thérriot et plusieurs autres Acadiens quittent Port-Royal pour aller s'installer à Bassin des Mines. Des digues sont construites pour assécher de nouvelles terres cultivables.

1690: L'amiral Phipps assiège Port-Royal avec quatre navires de guerre. La garnison française ne compte que 70 hommes contre 700 soldats anglais. Les Français capitulent. Phipps ne respecte pas les termes de la capitulation et ordonne à ses hommes de piller et brûler les maisons avant de repartir pour attaquer Québec. Il sera défait à Québec la même année. Plusieurs habitants acadiens abandonnent Port-Royal en ruines pour s'installer à Jemseg sur la rivière Saint-Jean.

1691: Le capitaine britannique Edward Tyng se rend à Port-Royal avec une nouvelle garnison. Il est capturé et fait prisonnier par le gouverneur français, Joseph de Villebon. Ce dernier décide que Port-Royal est trop risqué et il érige un nouveau fort à Nashwaak.

1697: Avec la paix de Ryswick, l'Angleterre reconnaît une fois de plus l'Acadie comme territoire français. La paix sera toutefois de courte durée.

1698: Pierre Thibodeau fonde Petitcodiac et Chipoudy.

1704: Le colonel Benjamin Church et ses 1300 hommes attaquent l'Acadie! Port-Royal résiste et les Anglais sont finalement obligés de battre en retraite. Mais avant de partir, ils brûlent plusieurs maisons et massacrent le bétail. Les Anglais tenteront à nouveau leur chance, sans succès. Les Acadiens, embusqués dans les bois, mettent les Anglais en déroute à chaque fois. Leurs alliés abénaquis leur viennent également en aide.

1710: Les Anglais décident d'en finir une fois pour toute et Port-Royal est assiégé par une véritable armée de 3400 soldats (environ 10 fois plus que la défense acadienne). Après un siège de 10 jours, la capitale de l'Acadie tombe. La résistance en région sera rapidement écrasée.

1713: Avec le traité d'Utrecht, la France abandonne l'Acadie à l'Angleterre. Quelques 1700 Acadiens deviennent sujets du monarque britannique. Les Anglais renomment le territoire Nova Scotia et cette fois c'est pour de bon. La France conserve toutefois l'Île Saint-Jean, l'Île Royale et la côte nord de la Baie Française. Malgré la neutralité des habitants francophones, le gouvernement anglais voit la population d'un mauvais oeil. Ils tentent de leur faire abandonner leur religion catholique en ordonnant le serment d'allégeance à l'Angleterre obligatoire. Les Acadiens refusent massivement de renier leur religion et la France. Très rapidement, il devient évident que les nouveaux dirigeants anglais n'ont aucune intention de respecter les libertés des Acadiens. On les empêche de quitter le territoire conquis pour éviter qu'ils aillent s'allier aux forces de la Nouvelle-France. On a également besoin d'eux pour fournir les garnisons anglaises en nourriture.

1719: Michel-Philippe Isabeau entreprend la construction de la forteresse de Louisbourg.

1730: Le lieutenant Lawrence Armstrong commence à octroyer des terres à des colons bostonnais mais refuse d'en faire autant pour les Acadiens dont la population s'accroît sans cesse.


1733: Le premier phare de l'histoire du pays entre en opération à Louisbourg. La construction du phare a été financée par la France.
gravure
La forteresse de Louisbourg
1738: Malgré l'interdiction des autorités anglaises, plusieurs Acadiens quittent Nova Scotia pour aller s'établir en territoire français, dans l'actuel Nouveau-Brunswick et sur l'Île Royale où les Français ont construit la forteresse de Louisbourg. Ces régions deviendront connues sous le nom de «nouvelle Acadie».

1744: L'abbé LeLoutre, à la tête d'un groupe de guerriers micmacs, tente d'assiéger Port-Royal sans succès.

1749: L'Acadie, maintenant rebaptisée Nova Scotia, est l'objet d'un nouveau plan de colonisation de la part de l'Angleterre. On envoie 2500 colons anglais, irlandais et allemands. On fonde également Halifax qui deviendra le siège du gouvernement colonial. Plusieurs milliers d'Acadiens émigrent vers les terres françaises de l'île Saint-Jean (aujourd'hui rebaptisée Île-du-Prince-Edward).


1750: Le premier observatoire astronomique de l'histoire du pays est construit à Louisbourg par le marquis Chabert.

1750: Les Anglais construisent le fort Lawrence en face des forts français Beauséjour et Gaspareaux. Cinq ans plus tard, Monckton et ses hommes attaquent et capturent Beauséjour qui sera rebaptisé fort Cumberland. C'est la fin de la nouvelle Acadie.

1755: Le Grand Dérangement ou La Déportation des Acadiens. Le gouverneur Charles Lawrence et le colonel Robert Monckton ordonnent qu'on s'empare d'environ 12 000 Acadiens qui seront expulsés de leur patrie. Les soldats anglais les entassent de force sur des bateaux pendant que la garnison britannique s'affaire à brûler leurs maisons et leurs granges. Les amants sont séparés, les familles déchirées. Plusieurs navires coulent emportant avec eux leurs passagers. Les survivants seront par la suite dispersés et abandonnés à leur sort dans les colonies de la côte est américaine, d'autres dans les Caraïbes et d'autres encore sur les côtes de la France. Plusieurs Acadiens se réfugient en Louisiane pour devenir les premiers Cajuns. Lawrence ordonne à ses hommes: «Vous devez faire tous les efforts possibles pour réduire à la famine ceux qui tenteront de s'enfuir dans les bois Cliquez ici pour en savoir plus sur la déportation. gravure
La déportation des Acadiens


1755-56: Le gouvernement colonial de Nova Scotia donne les terres acadiennes à des colons anglophones protestants.

1756: Des milliers d'Acadiens s'enfuient vers Québec et l'Île Saint-Jean, les soldats anglais à leur trousse. Plusieurs d'entre eux mourront de faim et de maladies avant d'atteindre leur but.

1758: Depuis l'abominable exil des Acadiens, la population de l'Île Saint-Jean est maintenant d'environ 5000 personnes. Suite à la conquête de Louisbourg par les Britanniques, l'Angleterre prend possession des Îles Royale et Saint-Jean. Une seconde déportation est organisée. Les deux tiers de la population acadienne sont envoyés de force en France. Les autres réussissent à s'enfuir vers Québec ou Saint-Pierre et Miquelon. En 1768, un recensement révèle qu'il ne reste plus que 203 Acadiens sur l'île.

1763: Avec le traité de Paris, l'interdiction est levée et les Acadiens exilés sont autorisés à revenir s'installer en Nova Scotia. Certains Acadiens reviennent à pied d'aussi loin que la Georgie pour retrouver leur pays ancestral! Toutefois, on oblige ceux qui décident de revenir à jurer allégeance à la couronne britannique et à s'établir sur la côte rocailleuse et peu fertile de la baie Sainte-Marie (bien différentes des terres fertiles et riches qu'on leur a volées). Sans terres cultivables, plusieurs deviennent bûcherons ou pêcheurs.

À cet endroit, la municipalité de Clare et une douzaine d'autres villages situés entre Saint-Bernard et Rivière-aux-Saumons (la «ville française») demeurent encore aujourd'hui un bastion important de la culture acadienne. Les toponymes francophones des villes, villages, rivières et lacs seront officiellement anglicisés par les politiciens au cours des ans mais les Acadiens utilisent encore aujourd'hui les appellations originales françaises. Elle demeure la région la plus résolument acadienne de Nouvelle-Écosse.

1769: Prince-Edward-Island (l'ancienne Île Saint-Jean) se sépare de Nova Scotia et devient une nouvelle colonie britannique. Les propriétés des Acadiens vivant sur l'île leur sont confisquées et les propriétaires (et fondateurs) deviennent simples locataires. Plusieurs décideront de quitter l'île suite à cette cruelle injustice.

1784: La province de Nova Scotia est divisée en deux, l'ouest est rebaptisé New Brunswick.

1847: Le poète américain Henry Wadsworth Longfellow publie son célèbre poème «Evangeline, A Tale of Acadie». Le poème, basé sur l'histoire vécue d'Emmeline Labiche et Louis Arceneaux, raconte l'histoire de deux amants (Évangéline et Gabriel) séparés par la Déportation de 1755 à la veille de leur mariage. Évangéline tente de retrouver Gabriel toute sa vie et ils sont finalement réunis des années plus tard alors que Gabriel est sur son lit de mort. Ce poème devient un important symbole de la tragédie et de l'identité acadienne.

1854: Fondation du premier établissement d'enseignement supérieur acadien; le séminaire Saint-Thomas de Memramcook.

1867: Le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse deviennent des provinces fondatrices de la nouvelle fédération canadienne, avec le Québec et l'Ontario. L'Île-du-Prince-Édouard refuse d'abord de signer mais se ravisera quelques années plus tard.

1871: Avec le «Common School Act», le gouvernement du Nouveau-Brunswick abolit son soutien financier aux écoles séparées de langue française et catholiques, auquelles avaient droit les Acadiens. Tous les enfants devront aller à l'école anglaise. Cependant, les parents qui le souhaitent peuvent financer eux-mêmes leurs écoles, à condition de continuer à payer la taxe provinciale de l'éducation. En d'autres termes, ils devront payer deux fois! Il s'agit clairement d'une mesure d'assimilation dirigée contre les Acadiens de la province.

1872: George King, le procureur général à l'origine du «Common School Act», se présente aux élections provinciales. Tout au long de sa campagne, il exploite le ressentiment à l'égard des Acadiens catholiques. Son slogan: «Vote for the Queen against the Pope». Le préjudice religieux est bien ancré dans la population anglaise de la province car il remporte les élections avec une large majorité. Les Acadiens, qui représentent pourtant le tiers de la population, ne font élire que cinq députés qui sont en faveur des écoles séparées.

1875: Les Acadiens qui refusent de payer la taxe scolaire en guise de protestation sont harcelés. Un curé est même jeté en prison. La situation se détériore. En janvier de cette année, une émeute secoue Caraquet. On envoie l'armée pour rétablir l'ordre dans la ville. Bilan: deux morts, une vingtaine d'arrestations. Les journaux de St-John et de Fredericton promettent que des agissements semblables à ceux de Riel, au Manitoba, ne seront pas tolérés! Devant la situation explosive, le gouvernement de la province recule et permet que, «dans les régions où le nombre le justifie», les enfants francophones reçoivent une éducation catholique et française.

1877: Le «Public School Act» abolit l'enseignement du français à l'Île-du-Prince-Édouard (l'ancienne Île Saint-Jean).

1880: La société Saint-Jean-Baptiste de Québec invite les Acadiens à leur congrès annuel. Plusieurs se rendent à Québec pour l'événement et décident à leur retour d'organiser leur propre convention acadienne l'année suivante.

1884: Lors de leur deuxième convention nationale tenue à Miscouche, les Acadiens se dotent officiellement de leur drapeau et de leur hymne national. Ils adoptent le tricolore français afin de souligner leurs origines et y ajoutent l'étoile acadienne dans le coin supérieur gauche (le bleu symbolise pour eux leur protectrice, la vierge Marie). L'étoile est jaune (la couleur papale) et symbolise l'attachement des Acadiens à l'Église catholique. L'hymne fait également mention de cette étoile qui guide le peuple acadien dans ses épreuves douloureuses.

1923: Pierre-Jean Véniot est le premier Acadien élu au poste de premier ministre du Nouveau-Brunswick.

1981: Le gouvernement du Nouveau-Brunswick vote la loi 88 qui reconnaît finalement l'égalité des deux communautés linguistiques de la province. Le Nouveau-Brunswick devient la première et la seule province canadienne officiellement bilingue. La même année, on permet enfin aux familles acadiennes de la Nouvelle-Écosse d'envoyer leurs enfants à l'école française. Auparavant, les enfants étaient obligés d'aller à l'école anglaise. Un petit collège religieux de Clare grandit pour devenir l'Université Sainte-Anne, la seule université francophone de la province.

1994: Le premier congrès mondial acadien a lieu au Nouveau-Brunswick. Des gens de partout dans le monde s'y rendent pour célébrer leur passé et leur culture. On qualifie l'événement de «plus grand rassemblement acadien depuis la Déportation». Il réunit environ 300 000 participants. Suite au succès de ce premier rassemblement, un second congrès mondial est organisé en Louisiane en 1999.

1995: Roméo LeBlanc est le premier Acadien nommé au poste de Gouverneur général du Canada.

1999: Le Sommet de la Francophonie a lieu à Moncton au Nouveau-Brunswick. Lors de l'événement, l'Anglo Society of New Brunswick, une association d'anglophones extrémistes, organise des manifestations contre ce qu'ils appellent «la prédominance du fait français au Nouveau-Brunswick» (même si les deux tiers de la population de Moncton ne parlent même pas français).
2004: Plus de 5000 personnes se rassemblent à Pointe-de-l'Église, au sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, à l'occasion de l'ouverture du troisième Congrès mondial acadien. Il s'agit d'un congrès particulièrement important puisque l'année 2004 marque le 400e anniversaire de l'Acadie. Le premier ministre néo-écossais John Hamm a assisté aux cérémonies inaugurales du festival, qui célèbre la culture acadienne. M. Hamm a indiqué avoir été ému par une femme provenant de Louisiane, aux États-Unis, ayant affirmé que bien que le coeur des Cajuns se trouvait en Louisiane, leur âme demeurerait à jamais en Acadie.
Troisième Congrès Acadien

Aujourd'hui: Le peuple acadien a su survivre à sa cruelle histoire. On compte aujourd'hui environ 300 000 francophones dans les provinces maritimes. De ce nombre, les deux tiers vivent au nord et sur la côte Est du Nouveau-Brunswick.




La déportation des Acadiens

Carte de l'Acadie

Histoire de la Nouvelle-France

Francophonie canadienne

Plan de ce site

Retour à la page principale