Le «Continental Colors» ou «Grand Union Flag» des insurgés américains |
En octobre 1774, le Congrès général de l'Amérique septentrionale, réuni à Philadelphie, adopte le texte d'une lettre adressée aux habitants de la province de Québec pour les inviter à former le quatorzième état des futurs États-Unis. Rédigée en français et adressée à "Nos amis et concitoyens", on peut y lire: "Saisissez l'occasion que la Providence elle-même vous offre, votre conquête vous a acquis la liberté si vous vous comportez comme vous le devez (…) vous n'êtes qu'un très petit nombre en comparaison de ceux qui vous invitent à bras ouverts de vous joindre à eux; un instant de réflexion doit vous convaincre qu'il convient mieux à vos intérêts et à votre bonheur, de vous procurer l'amitié constante des peuples de l'Amérique septentrionale, que de les rendre vos implacables ennemis. (…) Votre province est le seul anneau qui manque pour compléter la chaîne forte et éclatante de leur union. Votre pays est naturellement joint au leur; joignez-vous aussi dans vos intérêts politiques; leur propre bien-être ne permettra jamais qu'ils vous abandonnent ou qu'ils vous trahissent." |
L'INVASION
La déclaration d'indépendance des États-Unis n'était pas encore rédigée lorsque le Congrès autorise une expédition militaire pour conquérir le Québec par la force. Deux armées marchent sur la province. La première, commandée par le général Richard Montgomery, remonte le fleuve Hudson et descend le Richelieu afin de s'emparer de Montréal. La seconde, sous la direction du général Benedict Arnold, utilise les rivières Kennebec et Chaudière pour rejoindre Québec. DEUX OBSTACLES SUR LA ROUTE DE MONTRÉAL Pendant leur marche le long de la vallée du Richelieu, les 2000 miliciens de New York qui composent l'armée de Montgomery sont rejoints par des sympathisants canadiens avant d'arriver devant leur premier obstacle; le fort Saint-Jean. Ils ne sont plus alors qu'à une journée de marche de Montréal, mais leur avance sera stoppée pendant deux mois. Les 600 soldats britanniques et miliciens canadiens qui défendent le fort, sous les ordres du major Charles Preston et de l'officier Belestre, résistent avec acharnement. Il est intéressant de noter que quelques Canadiens francophones se battent alors des deux côtés. |
Le Général Richard Montgomery (D'Après Alonzo Chappel, ANC, C-12139) |
NAC/ANC; C.W. Jefferys |
Montgomery met fin à l'impasse en contournant le fort Saint-Jean et en s'emparant du fort Chambly qui était chargé d'approvisionner Saint-Jean en munitions et en nourriture. Les Américains s'emparent des armes et de la poudre et Saint-Jean, après un siège de 55 jours, est forcé de capituler. Il s'agit toutefois d'une victoire coûteuse pour Montgomery qui a perdu la moitié de ses 2000 hommes au combat et à la maladie.
MONTRÉAL, VILLE AMÉRICAINE La première phase de la campagne est un succès. Le 12 novembre 1775, Montréal capitule. Les premiers hommes de Montgomery font leur entrée dans la ville tout juste comme les derniers navires de Carleton lèvent l'ancre pour Québec. Plusieurs habitants influents, aussi bien anglophones que francophones, ne tardent pas à manifester leur sympathie aux Américains victorieux. Pierre du Calvet, marchand et notaire montréalais, est de ceux-là. Les Américains installent leur quartier général au Château Ramezay, sur la rue Notre-Dame. Pendant ce temps, l'armée d'Arnold fait face à toutes sortes de difficultés à travers les marais et les forêts sauvages du Maine. Les soldats perdent beaucoup de provisions et en sont réduits à manger leurs savons et leurs mocassins bouillis. Des 1100 miliciens que comptait son armée au départ (des hommes originaires de Virginie, de Pennsylvanie et du New Hampshire), près de la moitié meurt avant d'atteindre Québec. Finalement, les deux armées convergent et se réunissent à Pointe-aux-Trembles, le 3 décembre. Peu de Canadiens se joignent à eux, à la grande déception des deux généraux. |
Le gouverneur Carleton est convaincu que les Américains attaqueront avant l'aube et il fait ériger des barricades aux extrémités des rues Champlain et Sault-au-Matelot. Il ne se trompe pas. À quatre heures du matin, le général Arnold s'élance avec 700 hommes à travers le blizzard pour prendre d'assaut la porte du Palais, sur le rempart nord de la ville. Lorsque les hommes d'Arnold arrivent devant la porte, ils sont accueillis à coups de mousquets.
Au même moment, dans la noirceur de la rue Champlain, des miliciens canadiens sous les ordres du capitaine Chabot entendirent des bruits au bout de la rue et ouvrirent le feu sur les New-Yorkais qui ne se trouvaient qu'à une quarantaine de pas. Montgomery est mortellement atteint d'une balle à la tête. Ses 350 soldats paniquent, laissent tomber leurs fusils et s'enfuient, abandonnant ainsi les blessés. Les miliciens canadiens viennent de porter le premier coup. | La mort de Montgomery NAC/ANC; C.W. Jefferys |
Le Général Benedict Arnold |
Pendant ce temps, les troupes d'Arnold dévalent la côte de la Canoterie et la rue Sous-le-Cap dans la basse-ville. Arnold est atteint d'une balle à la jambe et s'écroule dans la neige. Ses hommes continuent leur assaut et réussissent à surmonter une première barricade. Ils s'emparent de plusieurs maisons sur la rue du Sault-au-Matelot puis, équipés de grandes échelles qu'ils y avaient trouvées, se lancent à l'assaut de la seconde barricade. Ils y sont attendus par 200 miliciens réunis par Charles Charland. Derrière les Américains, les troupes de Carleton s'engouffrent dans la porte du Palais et les coincent. Après quelques heures, 400 Américains se rendent. Plusieurs, dont le général Arnold, ont réussi à s'enfuir sur le fleuve gelé. Une centaine d'autres gît mort dans les rues de Québec. Du côté des défenseurs, on ne compte que 7 morts. Le corps du général Montgomery est enterré près de la porte Saint-Louis, mais sera rapatrié à l'église Saint-Paul de New York, en 1818. |
Le Congrès fut sidéré d'apprendre que leurs armées avaient été défaites. La triste nouvelle fut accompagnée de rumeurs selon lesquelles les méthodes répressives utilisées par l'armée américaine à Montréal faisaient pencher de plus en plus de Canadiens du côté des Britanniques. En avril 1776, Benjamin Franklin fut envoyé à Montréal pour enquêter sur la situation. Mais il était déjà trop tard. En mai, les vaisseaux britanniques arrivèrent à Québec avec des armes et des renforts de 10 000 hommes et les Américains levèrent le siège pour se replier sur Montréal.
Pendant la retraite, un fermier du nom de Pierre Gautier guida délibérément un groupe de soldats américains dans un marécage près de Trois-Rivières où ils furent attaqués par surprise par des troupes britanniques. À Les Cèdres, au nord de Montréal, 400 Américains capitulèrent après une courte escarmouche contre 40 soldats britanniques et 200 Amérindiens. Le 15 juin, Arnold ordonna à ses troupes de brûler Montréal mais des citoyens réussirent à étouffer les flammes. |
Benjamin Franklin |