Robert Nelson, le médecin patriote



Né en janvier 1794 à Montréal, Robert Nelson est le fils de William Nelson, un enseignant de New York. C'est là qu'il épousa Jane Dies, fille d'un important propriétaire terrien de la région du Hudson River. Après la révolution américaine, la famille vint s'établir à Montréal et c'est là que naquit Robert, le plus jeune fils de la famille.

Le médecin

Robert Nelson étudia la médecine d'abord à Montréal, puis à Harvard. En avril 1814, il reçut son authorisation de pratiquer. Cette année-là, la guerre battait son plein et Nelson s'enrôla dans l'armée et fut nommé chirurgien attitré au 7e Bataillon (surnommé le corps Deschambault). En juillet 1814, il fut transféré au corps des Guerriers Indiens (corps of Indian Braves) pour aider les malades d'une épidémie de lithasie. Nelson appréciera beaucoup son travail parmi les Amérindiens. Jusqu'en 1826, il travaille comme volontaire auprès des 3000 Amérindiens des réserves de Caughnawaga, Oka, Saint-Régis et Saint-François. Après la guerre, il demandera à deux reprises à Lord Dalhousie d'être nommé chirurgien attitré aux Amérindiens. Il amasse également une quantité intéressante de matériel dans le but de rédiger un ouvrage sur l'histoire des Indiens d'Amérique mais le projet restera malheureusement sans lendemain.

Il s'établit ensuite à Montréal où il acquiert rapidement une excellente réputation et une énorme clientèle. Il prend également plusieurs jeunes étudiants sous son aile. On fait appel à lui pour les cas difficiles et les opérations délicates. On raconte que Robert Nelson, lors d'un séjour à Paris, interrompit un chirurgien qui allait comettre une erreur et compléta l'opération lui-même, sous les applaudissements des docteurs et des étudiants présents.

En 1827, la carrière de Nelson prit un tournant inattendu. Son frère Wolfred Nelson le convainquit de se lancer en politiques. Il fut élu avec Louis-Joseph Papineau dans Montréal-Ouest. Il n'attira pas particulièrement l'attention en chambre et démissionna pour des raisons inconnues en 1830. Deux ans plus tard, lors de la grande épidémie de choléra, il offrit ses services gratuitement aux immigrants démunis de Pointe-Saint-Charles. Puis, en 1834, il fut de retour en politique en tant que représentant de Montréal-Ouest à la chambre d'assemblée du Bas-Canada.

Le Patriote

Il se joignit rapidement aux membres du parti Patriote qui exigeaient d'importantes réformes du gouvernement britannique. Il fut l'un des plus véhéments orateurs de la cause patriotique lors des assemblées de comtés et l'un des membres les plus actifs du Comité Central et Permanent du district de Montréal. Malgré cela, il ne prit aucunement part à la rébellion de 1837. Il fut tout de même arrêté le 24 novembre, probablement à cause du fait que son frère Wolfred avait participé aux combats de Saint-Denis. Il fut toutefois libéré le lendemain à cause «d'irrégularités dans le mandat d'arrêt». Nelson était indigné et furieux suite à son arrestation. On raconte que Nelson aurait écrit sur le mur de sa cellule: «The English government will remember Robt. Nelson.» C'est dans cet état d'esprit qu'il décida d'aller rejoindre les autres Patriotes exilés aux États-Unis.
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Wolfred Nelson


Les chefs qui avaient réussi à s'enfuir (dont Louis-Joseph Papineau, Edmund Bailey O'Callaghan, le prêtre Étienne Chartier et Robert Nelson) se réunirent le 2 janvier 1838 à Middlebury, dans le Vermont. Une nouvelle insurrection fut discutée. Nelson faisait partie du groupe des radicaux, ceux qui désiraient la mise sur pied d'un gouvernement provisoire et une attaque armée immédiate. D'autres Patriotes, dont Louis-Joseph Papineau, s'opposaient à une action précipitée. Ce sont les radicaux qui l'emportèrent finalement et Nelson fut élu général de l'armée et président de la future république du Bas-Canada.

Président de la république?

Une première invasion eut lieu le 28 février 1838. Nelson, à la tête d'environ 300 Patriotes, envahit le Bas-Canada depuis Alburg dans le Vermont. Une fois à l'intérieur des frontières, la bande distribua des copies de la déclaration d'indépendance du Bas-Canada aux habitants. Mais l'invasion fut un échec. À peine avaient-ils pénétré en territoire britannique, les Patriotes furent attaqués par l'armée et repousés vers les États-Unis. À leur retour, Nelson et d'autres membres de l'expédition furent emprisonnés pour avoir enfreint à la loi de neutralité des États-Unis. Ils furent toutefois libérés par un jury sympathique à leur cause.

Nelson et ses camarades imputèrent leur défaite à un manque d'organisation et de discrétion. Ils décidèrent donc de mettre sur pied une société secrète qu'ils baptisèrent les Frères-Chasseurs. L'organisation suivait le modèle d'une armée. À sa tête se trouvait le Grand Aigle (un genre de major-général) et sous les ordres de ce dernier on retrouvait les Aigles qui repésentaient les différents districts de la province et qui étaient chacun responsable d'une compagnie. Les Aigles choisissaient chacun deux hommes nommés Castors (l'équivalent du rang de capitaine). Chacun d'eux avait sous ses ordres 5 caporaux nommés Raquettes. Chacun d'eux était à son tour à la tête d'un corps de 9 soldats nommés Chasseurs. L'organisation fut subventionnée par des sympatisants du Bas-Canada et des États-Unis.

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Sir John Colborne
«Le vieux brûlot»
Toutes sortes de rumeurs se mirent à circuler à props du nombre de Frères Chasseurs. John Colborne parlait de plusieurs dizaines de milliers, d'autres croyaient que chaque paroisse du Bas-Canada avait son propre bureau de recrutement.

La nouvelle invasion fut organisée pour le 3 novembre 1838. Ce jour-là, les Patriotes commencèrent à se rassembler le long de la frontière, à Napierville, Lacolle et Châteauguay. Certains groupes impatients n'attendirent pas les ordres de Nelson pour passer à l'action. À Beauharnois, un groupe occupa sans difficulté la seigneurie d'Edward Ellice et d'autre s'emparèrent du bateau à vapeur de Henry Brougham pour le convertir en navire de guerre.


Le plan officiel des Patriotes était de s'emparer d'abord de Beauharnois, Châteauguay, La Prairie, Saint-Jean, Chambly, Boucherville et Sorel. Nelson lui-même, à la tête de 800 hommes, devait remonter la vallée du Richelieu pour capturer Saint-Jean et continuer vers Montréal. Puis, les villes de Montréal, Trois-Rivières et Québec devaient être attaquées successivement. On espérait que les Frères Chasseurs locaux se révoltent de l'intérieur des villes.

Malheureusement, l'invasion ne se passa pas comme prévue. À Montréal, les autorités réagirent rapidement et arrêtèrent plusieurs chefs locaux. D'autres Chasseurs, voyant que les armes promises n'arrivaient pas, attaquèrent la réserve de Caughnawaga dans le but de s'emparer de l'arsenal et des munitions des Amérindiens. Plusieurs furent alors faits prisonniers. Un navire américain qui devait livrer des armes fut intercepté par un groupe de volontaires fidèles au gouvernement britannique. D'autres armes qui avaient été cachées à Rouse's Point aux États-Unis furent saisies par les autorités américaines.

Nelson réalisa que l'opération allait être un échec et dirigea alors ses hommes vers Odelltown. À Lacolle, on raconte que Nelson aurait supposément tenté de s'enfuir pendant la nuit et aurait été arrêté par ses hommes. Il aurait alors réussi à les convaincre qu'il ne faisait qu'inspecter les troupes. Le 10 novembre, les Patriotes attaquèrent la milice d'Odelltown. Pendant la bataille, la milice reçut des renforts et les Patriotes durent battre en retraite. Les survivants s'enfuirent vers les États-Unis. Nelson s'était enfui avant la fin de la bataille.

Plus tard la même année, il rencontra plusieurs membres du mouvement Patriote, dont Ludger Duvernay, à Swanton dans le Vermont. Ils planifièrent d'organiser des incidents frontaliers, ce qui créerait de nouvelles tensions entre les États-Unis et la Grande-Bretagne. Mais Washington et Londres mirent fin une fois pour toute à leur mésentente en 1842 avec le traité de Webster-Ashburton. Tout espoir était perdu.

Ruiné et endetté, Nelson décida de tenter sa chance en Californie où le «goldrush» faisait rage. En quelques semaines, il acquit une large fortune mais la perdit ensuite à cause d'un agent malhonnête. Il refusa de revenir au Canada malgré le fait qu'il avait été pardonné par le gouvernement et préféra pratiquer sa profession de médecin dans l'ouest jusqu'en 1863. Il démémagea alors à New York où il ouvrit un bureau en compagnie de son fils, Eugène. En 1866, Nelson publia un ouvrage important sur le choléra asiatique et les façons de le traiter. Il traduisit également plusieurs ouvrages de médecine. L'homme qui aurait voulu être Président de la république du Bas-Canada mourut le premier mars 1873 à Gifford, Staten Island, New York.

Page des Patriotes de 1837-38

Testament de Chevalier de Lorimier

Déclaration d'indépendance du Bas-Canada

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